Alexandre Mazzia : l'année raisonnable
Il a électrisé la Grande scène d'Omnivore à la rentrée, un moment en public comme une conclusion d'une année riche et réfléchie pour le chef qui régalera très bientôt les athlètes des JO 2024. Entretien de sortie de scène.
Il a électrisé la Grande scène d'Omnivore à la rentrée, un moment en public comme une conclusion d'une année riche et réfléchie pour le chef qui régalera très bientôt les athlètes des JO 2024. Entretien de sortie de scène.
CETTE SORTIE DE SCENE EN QUELQUES MOTS ?
Aujourd'hui on prend le temps, même si je suis allé un peu vite, je ne voulais pas être rébarbatif (rires) ! Cela fait du bien de voir des gens, qui vous saluent pour le travail engagé depuis quelques années. Ça me fait chaud au cœur.
Vous avez été extrêmement sollicité, le métier revit, le public est venu à votre rencontre, vous proposer des produits, ou même vous interpeller sur des sujets.
Heureusement qu'Omnivore était là l'année dernière, on balbutiait encore un peu. Pendant huit mois, les gens se sont rendu compte de l'importance des restaurants et de la vie qu'on trouve à table. Tout ce microcosme qui est au-delà d'être petit, il est l'élément fondateur du lien social. Les gens l'ont peut-être mieux réfléchi dans les foyers par exemple. On se rend compte que des moments comme Omnivore sont à savourer, il faut en profiter.
Cela peut être facile ou non pour un chef de venir à un festival pour exprimer sa cuisine, mais qu'est-ce qu'un chef vient trouver, avec quoi repart-il de cette expérience ?
Cela peut être une rencontre, on vous offre un curcuma bio de Guadeloupe... On voit des jeunes qui viennent vous voir, timides, ils sont culottés, curieux, ils demandent des conseils. On repart toujours avec quelque chose, le souvenir de gens passionnés et passionnants.
AVEZ-VOUS RESSENTI UNE BASCULE DANS LA MANIERE DE GÉRER UN RESTAURANT, QUELLES SONT LES NOUVELLES PROBLÉMATIQUES ?
Fondamentalement, les esprits ont été fragilisés, les gens ont eu des doutes. On a entretenu ce lien, grâce au foodtruck, cela a été fait sciemment pour que les gens ne perdent pas le lien avec le restaurant et la vie. Le fait de s'entraîner, de faire ces grands menus chaque jeudi et samedi nous a permis de perdurer et cela a été finalement moins douloureux, que dans le pire des cas. Cela a révélé des talents, dans cette période de latence. J'essaie de le prendre de manière positive. C'était cependant difficile d'être privé de son terrain de jeu, on était un peu inhibé, on étouffe, on ne peut pas s'exprimer. Évidemment on avait le foodtruck mais le sentiment de création était minimisé, la réception de ce que l'on peut créer pour les clients n'y était pas forcément puisque la table était fermée.
VOUS AVEZ EU LE TEMPS DE MIJOTER DE NOUVEAUX PROJETS EN CUISINE ?
Je fais les choses à mon rythme, on a refusé beaucoup de projets mais ce n'est pas le but de s'éparpiller. Ma cuisine est un champ. Je laboure chaque matin ma cuisine, c'est là que je peux m'exprimer. Tout ce que l'on fait à côté doit nous apporter du baume au cœur mais ne doit pas entraver tout ce que l'on fait au quotidien.
Le foodtruck va continuer mais on va créer une baraque à pêche où les pêcheurs pourront ramener, travailler leurs invendus sur place et les distribuer. Les gens pourront repartir avec une street food de la mer purement locale. On a aussi monté des chambres d'hôtes accessibles dans Les Goudes, dans le vrai Marseille : l'aridité des calanques, les embruns, ce qui fait aussi la vie à Marseille.
UN MOT SUR MARSEILLE QUE VOUS CONNAISSEZ SI BIEN. LA VILLE A CONNU UN RAYONNEMENT IMMÉDIAT APRÈS LES CONFINEMENTS, UNE NOUVELLE VAGUE DE TOURISME, DE NOUVEAUX FLUX... UNE CRAINTE DE LA VOIR SUBMERGÉE ?
Je pense que cette ville a été sous-estimée par les gens, à un moment donné. Le confinement a permis de voir ses avantages. Avant, on venait à Marseille certes pour le soleil mais sans aller au fond des choses. Marseille est une ville complexe, cosmopolite, extraordinaire, riche, un port fabuleux et une économie renaissante. Les gens ont vu la ville comme une vraie bouffée d'oxygène par son territoire. L'urbanisation est presque inexistante à Marseille, on peut vite s'en échapper, être à la mer en dix minutes ou une demi-heure dans le Luberon... Cela a attiré beaucoup d'Anglais ou de Suédois, par exemple. J'observe, et c'est un peu malheureux car certains Marseillais n'ont pas accès à certaines choses alors qu'avant c'était peut être plus possible. Mais Marseille attire énormément, comme elle l'a toujours été, en terre d'accueil.
PROPOS RECUEILLIS PAR HANNAH BENAYOUN