Quand la tech se toque de gastronomie

Dans l’écosystème du chef moderne, il n’y a pas que les producteurs, cueilleurs, éleveurs, et autres sourceurs, qui jouent les muses gastronomiques. Le lien qui unit Brandon Dehan, chef pâtissier de l’Oustau Baumanière, et Florent Carasco, boss de la Ferme 3D, en est le parfait exemple.
La rencontre se fait par l’intermédiaire de Marie-Noëlie Charial la fille du propriétaire de l’Oustau de Baumanière. À cette époque, en pleine pandémie, elle a besoin de se fournir en visières pour les équipes. Elle fait appel à la Ferme 3D que dirige Florent : « À ce moment-là, on avait la capacité de production, donc on a fabriqué des EPI (équipement de protection individuelle) nécessaires à la reprise économique. »

Entrepreneur ascendant geek, Florent s’est lancé dans l’impression 3D en 2014 avec 2 machines à Montpellier. Dix machines et quatre ans dans la zone industrielle d’Arles plus tard, le natif de Saint-Rémy-de-Provence est retourné dans les terres de ses origines, les Alpilles avec maintenant plus de 30 imprimantes dernière génération. C’est donc une pandémie qui l’amène à travailler avec l’Oustau de Baumanière, qui se trouve à une quinzaine de minutes en voiture. « En novembre 2020, Brandon et Glenn Viel sont venus nous visiter et de là, on a profité de tout le temps de fermeture du restaurant pour développer plein de choses. En fait c’est le covid qui nous a donné du temps et permis d’avancer rapidement dans notre collaboration », résume Florent.

Pour Brandon, la confiance s’installe immédiatement. « Quand j’ai rencontré Florent, je m’intéressais déjà un peu à l’impression 3D et je me suis rendu compte que ce n’était pas un mec lambda. » En effet, non content de bosser avec des marques de luxe  – pour lesquelles il réalise des impressions haute qualité –, Florent forme également de nombreux corps de métier qui ont recours à ce procédé, tels ceux de la santé ou de la défense. « Mais ce qui m’a convaincu de bosser avec lui, c’est quand j’ai reçu des emporte-pièces que j’avais fait faire sur mesure par une autre marque et qui se sont cassés dès les premiers essais. Florent m’en a fait un parfait, donc je me suis dit qu’il était vraiment bon », s'amuse le pâtissier.

Après l’emporte-pièce, les demandes vont s’enchaîner. Dans un premier temps, elles portent sur des accessoires destinés à faciliter le travail en cuisine, ou à être d’une précision optimale. Pour un restaurant triplement étoilé, chaque détail compte, comme par exemple ce moule en silicone qui permet à Brandon de délicatement déposer des fleurs de gavotte et éviter ainsi un maximum de casse. Les premiers objets nés de leur collaboration sont davantage pratiques que créatifs. Mais, bien vite, « on se voit plusieurs fois par semaine, je passe devant son atelier pour aller au boulot donc je m’arrête régulièrement prendre le café, ça permet d’être tout le temps dans l’échange », nous explique Brandon.

De ces échanges vont naître des formes qui, cette fois, seront totalement intégrées au processus créatif voire aux dressages finaux, à l’image de cet écureuil 3D en amidon de maïs qui tient dans ses pattes une noisette (du dessert homonyme), première bouchée du client. De même, les différents moules en silicone qui permettent à Brandon de penser ses desserts à travers des éléments qui auparavant auraient été extrêmement difficiles à reproduire, tels ces crayons en chocolat qui viennent se glisser dans une trousse pour un dessert autour de l’enfance.

« Ça m’offre d'autres champs de possibilité en termes de créativité et de fonctionnalité. Bien entendu notre but n’est pas de penser qu’à travers la 3D, mais c’est devenu un nouvel outil absolument génial à notre disposition », commente le pâtissier de Baumanière. Du coté de Florent, cette collaboration, « c’est avant tout du plaisir. Un plaisir aussi bien technologique que créatif, je trouve ça fascinant de voir le travail de Brandon à travers notre prisme technologique. »

C’est donc une relation qui est avant tout drivée par la passion, le goût des belles choses et celui de l’excellence. À l’image du lien que tissent les chefs avec leurs producteurs dans leur quête perpétuelle du goût, celui qui unit Brandon et Florent est le symbole de deux univers qui se complètent et s’auto-alimentent. Car finalement, ce sont ce genre de rencontres entre deux artisans à la pointe de leur domaine respectif qui permettent d’offrir au client une expérience toujours plus immersive et unique. 

Texte et photos Florian Domergue