Refugee Food : « Il y a un envol du bénévolat »
Le Refugee Food Festival revient dans 11 villes françaises du 7 au 26 juin. L'occasion d'échanger avec Fanny Borrot, directrice du développement, sur les différentes strates qui composent le Refugee Food.
Le Refugee Food Festival revient dans 11 villes françaises du 7 au 26 juin. L'occasion d'échanger avec Fanny Borrot, directrice du développement, sur les différentes strates qui composent le Refugee Food.
Concrètement, comment s’articule le Refugee Food ?
Refugee Food existe depuis 2016 et a démarré via un festival culinaire qui a lieu chaque année, autour du 20 juin qui est la journée mondiale des réfugiés. L’idée de départ était de faire collaborer des cuisiniers réfugiés et des restaurateurs locaux afin de sensibiliser à l’accueil et l’intégration des réfugiés par le prisme de la cuisine, car nous restons persuadés que c’est à travers elle que l’on peut mieux rencontrer l’autre et l’accepter. La particularité c’est que le festival est organisé par des bénévoles que l’on accompagne dans ce projet, on rencontre des personnes réfugiées qui ont un talent en cuisine, qui souhaitent s’insérer socialement dans la restauration. On cherche des restaurateurs qui peuvent les accompagner durant l’événement et on les accompagne toute l’année vers la formation, l’emploi… Certains expriment un besoin de se lancer dans le secteur, lancer un service traiteur par exemple.
À Paris, il manquait un endroit où l’on pouvait donner les clefs à des profils plus entrepreneurs, on a donc monté un restaurant d’insertion baptisé Résidence à Ground Control. On y rencontre une brigade de personnes réfugiées en insertion, cela nous permet de les accompagner dans cette prise d’emploi et de les aider à trouver un logement, les guider sur les transports… Notre service traiteur nous permet d’accompagner les cuisiniers qui souhaitent « se faire la main » sur des événements, on les guide sur la fabrication d’un devis ou la conception d’un menu pour qu’ils puissent devenir autonomes. En 2019, on a souhaité aller plus loin, on a voulu former, donc on forme gratuitement au Certificat de qualification professionnelle (CQP), qui dure six mois : trois mois de cours de français adaptés à la restauration et trois mois de cours de cuisine, entrecoupés de stages. Ensuite on aide les cuisiniers à trouver un emploi pérenne. D’ici fin 2022, on aura accompagné 300 personnes réfugiées à Paris, Rennes, Dijon et Strasbourg. À ce jour, 75% des personnes qui ont suivi la formation ont décroché un emploi pérenne. On souhaite développer cette formation à Lyon et Marseille, on reste à la recherche de partenaires dans la restauration, l’hôtellerie, pour nous aider à déployer le projet sur le territoire, c’est un très gros chantier pour nous.
Comment les personnes que vous accompagnez ont-elles été mises en relation avec le Refugee Food et vos programmes de formation ?
Il y a deux biais : le festival, qui nous permet de rencontrer des profils qui ont un intérêt pour la cuisine. Pour certains, la cuisine a été leur métier dans leur pays d’origine, et pour eux cela a du sens de poursuivre leur carrière. Nous rencontrons également celles et ceux qui sont amatrices ou amateurs, qui souhaitent poursuivre ce chemin et réinventer une page de leur parcours. La cuisine aide à cela. Beaucoup constatent qu’il y a un besoin de reprendre une formation, et même courte, elle permet de se professionnaliser. La majeure partie partie d’entre eux doivent payer un logement, il faut donc les rémunérer rapidement. Le second point d’entrée, c'est notre réseau de prescripteurs, environ 300 sur tout le territoire, des bailleurs sociaux aux associations locales, en passant par des particuliers… Ils nous redirigent des profils pour nos formations.
Les territoires sont décisifs pour vous, car tout ne se joue pas qu'à Paris. Comment s’enracine LE Refugee FOOD dans une grande ville française ?
Notre présence est principalement possible dans les villes grâce aux bénévoles. Des citoyens qui nous contactent, qui aimeraient accueillir le festival dans leur ville. À Marseille, nous avons créé une antenne en 2021 pour rayonner encore plus fort, grâce à l’association Festin qui est liée à la Table de Cana et Des Etoiles et des Femmes (lire notre reportage ici, ndlr). Ils ont souhaité porter le Refugee en l’implémentant à Marseille. Pour le reste des villes, comme Bordeaux, Lille, Rennes, Dijon… Notre présence n’est que bénévole, le festival ainsi que des ateliers de cuisine à l’année. Cependant nous sommes bien en lien avec les municipalités qui, pour la plupart, ont à cœur d’intégrer les personnes réfugiées. Tout cela prend du temps, on y va petit à petit. Il y a un vrai besoin de recruter dans la restauration, on connaît des personnes qui sont motivées, qui n’ont qu’une envie : trouver un emploi et de le garder.
La vague de réfugiés venant d'Ukraine s’est ajoutée au flux de migrants qui existe déjà et qui est toujours plus grand. Vous êtes-vous mobilisés différemment en faveur de l’Ukraine ?
Avant même de parler de l’Ukraine il y a l’Afghanistan. Nous avons souhaité lever des fonds pour des associations qui se sont mobilisées pour l’accueil des personnes réfugiées venues d’Afghanistan et d’Ukraine ces derniers mois. À Paris, nous avons organisé des dîners solidaires destinés à ces levées de fonds : Afghanes the power !, Make Food not War pour l’Ukraine. C’était notre manière de nous engager, avec des chefs qui voulaient aider à leur manière. On en organisera sûrement d’autres.
À Paris, on a lancé une aide alimentaire en mars 2020, on ne s’est jamais arrêté depuis. La demande est immense, entre centres d’hébergements et centres d’accueil car la proposition culinaire sur place n’était absolument pas adéquate. Grâce à Harouna Sow, notre chef formateur qui est lui-même réfugié et qui a bénéficié de l’aide alimentaire en France, souhaitait rendre la pareille, ainsi que la brigade, en insertion. L’aide alimentaire fait partie du parcours d’intégration et d’accueil des personnes exilées. On cuisine entre 500 et 1000 repas par jour, toujours grâce aux bénévoles. Il y a réellement eu une envie de s’impliquer, entre le covid, la crise afghane et l’Ukraine, il y a eu un vrai envol du bénévolat en France.
Propos recueillis par Hannah Benayoun
© Mahka Eslami, Nicolas Rochette, Anne Bouillot
40 000 personnes venues au restaurant depuis 2016 (La Résidence - Ground Control, Paris)
312 cuisiniers réfugiés de 56 nationalités
408 restaurants, cantines ou 3-étoiles mobilisés
Formations
276 personnes réfugiées formées par SÉSAME d'ici à 2023
90% de sorties positives sur la 1ère promotion de TOURNESOL
91 501 repas cuisinés au Ground Control
375 bénévoles engagés
47,5 tonnes de denrées alimentaires transformées