Boulangeries : face à la crise, la FEB joue collectif
La crise pour les boulangers n'est pas terminée, mais la filière BVP s'organise pour avancer, et vite. Échanges avec Paul Boivin, Délégué Général de la Fédération des Entreprises de Boulangerie.
La crise pour les boulangers n'est pas terminée, mais la filière BVP s'organise pour avancer, et vite. Échanges avec Paul Boivin, Délégué Général de la Fédération des Entreprises de Boulangerie.
Les crises autour de la boulangerie ne sont pas terminées, vous aviez exprimé vos craintes en janvier concernant la filière. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Le début d'année a commencé avec une incertitude absolue. Malgré les difficultés, l’activité de la filière BVP est soutenue, bien que l'on rencontre toujours des problèmes sur les contrats d'énergie qui sont signés à des tarifs exorbitants. Nous sommes toujours en lien avec le ministère des PME, nous tenons à leur montrer la réalité de terrain à la suite des aides allouées à la fin de l'année dernière. Évidemment, la hausse d'énergie est là, on est sur du x 2, voire x 3 à la charge de nos adhérents, aides déduites. Mais surtout, les factures d'énergie sont devenues totalement incompréhensibles, si par chance, on peut avoir accès à ses factures. La situation est réellement ubuesque. Notre interprétation : les énergéticiens ne jouent pas le jeu, ils ne mettent pas les moyens humains nécessaires pour accompagner leurs clients PME et semblent très bien se contenter de cette situation opaque. Il revient à l’Etat de rappeler les énergéticiens à l’ordre. Il est nécessaire de savoir ce que l'on paie, d'avoir au moins accès à une facture, c'est évidemment la base des choses. Cette base est absente, à ce jour.
Quelle issue possible ?
L'idée finale serait de permettre aux magasins de boulangerie qui ont signé des contrats fin 2022 à des prix absolument prohibitifs de pouvoir obtenir des conditions légales qui leur permettraient de rompre unilatéralement leur contrat, de les renégocier avec les énergéticiens, ce qui n'est pas possible à l'heure actuelle.
Un nouveau profil d'entrepreneur émerge depuis les diverses crises. Qu'avez-vous observé chez vos adhérents ?
La Fédération des Entreprises de Boulangerie a toujours été une association d'entrepreneurs, ce qui rassemble les adhérents, ce n'est pas le fait qu'ils soient artisans ou pas, industriels ou non, c'est qu'ils soient effectivement des entrepreneurs. De ce côté-là, pas de nouveauté dans les profils. En revanche, on note que la partie développement de magasin s'accélère au sein de la FEB. On peut constater que de plus en plus de concepts forts arrivent sur le marché des métiers de boulangerie.
Le snacking et la restauration rapide en boulangerie se renforcent depuis la pandémie. L'offre a toujours existé, mais son essor ne fait que croître...
Effectivement, l'offre n'est guère nouvelle, mais actuellement, l'essor est réel, inédit. Même si l'on ne cherche pas la même expérience que dans un restaurant, ou même que dans un restaurant rapide, on observe que la part du chiffre d'affaires prise par le snacking, le café ou les boissons est en très forte augmentation. On note une croissance des consommateurs qui veulent trouver chez leur boulanger des produits de choix, frais de préférence. Les concepts forts de certains de nos adhérents ont permis ce pont vers plus de consommation sur place, mais ont aussi convaincu les clients que la boulangerie a toujours été un lieu de vie au sens propre.
Pour revenir à la crise, les fermetures ont été nombreuses, on parle de 2500 boulangeries qui ont mis la clef sous la porte en 2022. Si la crise s'étire, pourrait-on imaginer dans le pire des cas, des déserts boulangers en France ?
Je ne crois pas à une France sans boulangeries. Elles sont tellement ancrées dans nos vies. Effectivement, la grande distribution peut prendre de l'importance, même si la qualité augmente elle aussi de manière très claire, je ne vois pas comment la boulangerie, même du côté de nos amis artisans, pourrait disparaître.
Quelle attractivité pour les métiers de la boulangerie ?
Ces métiers demeurent difficiles, mais on sent que de nombreuses personnes souhaitent se reconvertir dans ces métiers. On voit des entrepreneurs, des populations issues d'autres horizons se rapprocher de métiers plus manuels, découvrir des produits, les travailler. Pour cela, quoi de mieux que la boulangerie ?
Quels sont les chantiers les plus urgents à la FEB sur le plan environnemental, RSE ?
Les enjeux de RSE se tiennent en tête de nos sujets sur les trois, quatre années à venir. Nous sommes persuadés à la Fédération que demain se fera par la RSE ou ne se fera pas. On parle de la qualité de vie au travail, les valeurs des entreprises et évidemment la responsabilité environnementale qui est fondamentale, mais aussi pour des questions de coûts. C'est également une première dans nos sujets : la décarbonation des filières, un enjeu très important qui va conditionner toutes nos actions sur les années à venir. Toutes les planètes sont alignées pour avancer, la filière n'est pas du tout en retard, loin de là, elle est engagée, très au fait de ces urgences. La sauvegarde de l'eau sera évidemment un sujet de notre côté. C'est pour cela que tout sera réfléchi avec l'ensemble des parties prenantes de la filière. Les objectifs sont grands, il est impératif d'accélérer, d'accentuer le dialogue et les échanges avec les acteurs du métier : artisans, meuniers... Les négociations que l'on porte sur les sujets énergies notamment auprès de Bercy, nous y allons main dans la main avec les artisans. C'est très concret, on joue absolument collectif.
Propos recueillis par Hannah Benayoun
Photos : FEB / © Alex Gallosi