BIG FOUR

Le marché de la BVP est riche d'enseignements, mais aussi, de marques fortes et prospères qui ont vu le jour au milieu des années 2000, souvent imaginées par des familles armées de connaissance boulangères et qui ont voulu voir très grand : marque visible, de l'espace intérieur, des gammes fournies, du pain (presque) à toute heure avec un choix de cuissons, là où la demande est reine. Ces boulangeries sont alors devenues des groupes et enfin, des géants de la boulangerie chaînée. Marie Blachère en tête avec ses 769 points de vente, Ange ou encore Louise, sans oublier Feuillette, qui écrit son histoire depuis la Lorraine en passant par le Loir-et-Cher. Depuis presque vingt ans, ce Big Four n'en finit pas de connaître le succès aux abords des grandes et moyennes villes de France, déployant des moyens considérables pour pouvoir tout appréhender sur le marché de la boulangerie.

Partis pris

La devanture d'une enseigne Marie Blachère est large, simple, oscille entre le rose et le noir. De nombreuses places de parking, prochainement des bornes pour recharger les voitures électriques. Une sobriété qui abrite le succès du groupe fondé par Bernard Blachère en 2004. En dix ans, l'entreprise fait travailler plus de 3 500 salariés. Déclinée en franchise depuis 2016, Marie Blachère ne connaît pas de pause dans son expansion.

La volonté d'origine était de voir des boulangeries poindre aux abords des grandes villes. Aujourd'hui, le groupe est au sommet avec 769 points de vente en 2023, et un chiffre d'affaires qui gravite autour des 880 millions d'euros. Le groupe peut en effet justifier d'une réelle agilité dans le paysage du commerce du pain.
À l'heure où le pays compte plus de 30 000 artisans boulangers, Marie Blachère continue son ascension, pourvoyant aux habitants des périphéries du pain certes, mais une offre boulangère riche, attentive aux évolutions de consommation en lui proposant de la baguette cuite à sa convenance.
Ange, numéro 2 avec 250 points de vente, a décliné des espaces réputés au design sobre où on voit le pain transformé sur place, grâce à un CA qui dépasse les 350 millions d'euros.

Agiles, d'une pandémie à l'inflation

Ces quatre géants usent de la même recette (ou presque) pour conquérir leur clientèle : devancer la demande, comprendre les attentes du client et surtout, avoir un coup d'avance sur le paysage économique du food service. Que ce soit Marie Blachère ou Feuillette, tous ont compris que le client attend une régularité exceptionnelle dans la confection du pain : il veut pouvoir en trouver à peu près n'importe quand, conçu en toute transparence, tant au niveau du visuel (labo aérés, visibilité des caisses) que sur la provenance des matières premières. Le pain, façonné, cuit sur place, doit avoir le goût immuable rappelé dans chaque devise sur les sites internet, "le goût du bon pain". Une idée du pain qui a pu grossir grâce à une demande réelle : il faut savoir proposer du pain peu cher, accessible pour tous les foyers. L'inflation, réelle, pour tous les groupes alimentaires a peu ou prou impacté les prix des baguettes de ces groupes, qui ont proposé de plus en plus de programmes de fidélité et des offres avantageuses. Une agilité économique qui a fait ses preuves notamment au sortir de la pandémie.

En 2019, plus de 16 millions de baguettes étaient vendues par jour en France (source Fiducial). Mais les Français ne se limitent plus au pain et l'offre boulangère s'est élargie au snacking ou à l'offre de restauration rapide. Une analyse qui s'est inscrite dans le temps, aux déconfinements : les habitudes des Français ont changé. Au-delà du repas, un vrai profil "accueil client" premium se détache.
Maison Feuillette mise sur cet argument en offrant un réel espace Salon de thé, gommant les contours de la boulangerie périurbaine.
Les boulangeries ont changé leur modus operandi, pour certaines. Elles se digitalisent, et digitalisent les processus de fidélisation également. Click and collect, chatbot, mapsearch, s'adressent à tous les publics et toutes les bourses et assurent cette régularité dans la vente de marchandises, qui elle aussi s'est largement étoffée depuis la pandémie. Pour rappel, le snacking représentait 35% du CA des boulangeries en France depuis 2019. Les Français peuvent finalement s'attabler dans leur boulangerie si l'offre le permet et plus si affinités : pizza, sandwichs, pâtisseries ou même burgers.

Par  Hannah Benayoun

Photos  Renaud Bouchez