Mendikotea : du Japon au Pays basque, une histoire d’opportuni(thé)
Futur(e)s Food célèbre sa 3e édition avec toujours la même ambition : récompenser des entrepreneurs novateurs et engagés qui réinventent notre façon de s’alimenter face aux enjeux économiques et climatiques. Sur les 225 projets au départ, ce nouveau cru en a primé six, jugés exemplaires dans des domaines très éclectiques et innovants.
Futur(e)s Food célèbre sa 3e édition avec toujours la même ambition : récompenser des entrepreneurs novateurs et engagés qui réinventent notre façon de s’alimenter face aux enjeux économiques et climatiques. Sur les 225 projets au départ, ce nouveau cru en a primé six, jugés exemplaires dans des domaines très éclectiques et innovants.
Tout est parti d’un voyage au Japon pour Mylène Dupuis. Fascinée par les plantations de thé sous la neige, elle reconnaît dans ces paysages une familiarité troublante avec ceux de sa vallée au Pays basque. À son retour, elle se penche sur le Camellia sinensis, la plante à thé, et découvre que le sol acide de ses terres en montagne lui est favorable. Son terrain cochait toutes les cases : "Je me suis dit, pourquoi ne pas essayer ?" Voilà comment a pris racine Mendikotea, projet novateur dans les recoins verdoyants et chargés de traditions de la Soule, en terre basque. Mylène, la fondatrice, a donc réinventé sa vie en devenant cultivatrice de thé, après un parcours atypique entre l’enseignement et l’artisanat. Son histoire, bien loin du plan de carrière soigneusement tracé, est celle d’une opportunité saisie et d’une passion qui s’est imposée. "Je n’avais jamais imaginé devenir cultivatrice de thé, mais la vie m’a amenée là", confie-t-elle. Aujourd’hui, elle fait partie des pointures de la filière française du thé.
Un thé d’exception
L’aventure commence modestement pendant le confinement, avec la plantation de 500 premiers pieds de thé. Avec patience et un œil attentif, Mylène expérimente différentes variétés, conseillée par des pionniers français comme Denis Mastrullo, qui l’accompagne dans ses débuts. Les résultats sont prometteurs : les variétés plantées s’adaptent bien, et aujourd’hui, Mendikotea compte plus de 4 000 pieds de thé sur les hauteurs basques. La mission de Mylène va au-delà de la production. Elle vise un thé d’exception, cultivé avec un respect rigoureux pour la terre. Aucun intrant chimique, un paillage naturel à base de fougères locales et un arrosage entièrement dépendant des pluies : cette démarche écologique est au cœur de son projet. En parallèle, elle a rejoint le groupement paysan Euskal Herriko Laborantza Ganbara, qui prône une agriculture locale et durable. Le véritable défi, Mylène le découvre dans la transformation du thé, un processus aussi précis que celui du vin. "La transformation, c’est le nerf de la guerre. Sans ça, même les plus belles feuilles ne donneront rien de bon", explique-t-elle. Pour parfaire sa technique, elle part au Japon, où elle apprend les méthodes de production de thé vert à la vapeur, qui préserve le goût umami caractéristique des thés japonais. Cependant, elle sait que le terroir basque donnera un thé au caractère unique, un subtil mélange entre influences japonaises et identité locale. Pour se démarquer, Mendikotea proposera principalement du thé noir, un choix qu’elle affine encore en expérimentant des infusions aux fleurs de thé récoltées en automne. "Le thé de printemps est toujours le plus riche, mais les fleurs d’automne apportent une dimension nouvelle", note-t-elle. Mylène espère ainsi séduire les amateurs éclairés à la recherche de saveurs rares et authentiques. Pour la commercialisation, Mendikotea restera un projet à échelle humaine. Les 4 000 plants produiront tout au plus 80 kilos de thé sec chaque année, que Mylène souhaite vendre localement. À ce jour, elle jongle encore entre sa plantation de thé et son métier d’électricienne. Mais avec le prix "Reconversion" de Futur(e)s Food, elle espère voir enfin Mendikotea "fleurir" et s’épanouir en tant qu’activité à part entière. Une reconnaissance qui pourrait être le coup de pouce nécessaire pour attirer l’attention d’un public sensible à l’authenticité et à l’engagement. "Ce prix, c’est l’opportunité rêvée de pouvoir, un jour, me consacrer pleinement à cette plantation qui me tient tant à cœur."
Par Alice Polack et Jean-Pierre Montanay