Les 4 Marais : quand l’aquaculture se réinvente dans les marais salants
Futur(e)s Food célèbre sa 3e édition avec toujours la même ambition : récompenser des entrepreneurs novateurs et engagés qui réinventent notre façon de s’alimenter face aux enjeux économiques et climatiques. Sur les 225 projets au départ, ce nouveau cru en a primé six, jugés exemplaires dans des domaines très éclectiques et innovants.
Futur(e)s Food célèbre sa 3e édition avec toujours la même ambition : récompenser des entrepreneurs novateurs et engagés qui réinventent notre façon de s’alimenter face aux enjeux économiques et climatiques. Sur les 225 projets au départ, ce nouveau cru en a primé six, jugés exemplaires dans des domaines très éclectiques et innovants.
Imaginez un bassin où cohabitent poissons, moules, vers, laitue de mer… Plusieurs espèces diverses mais surtout complémentaires. Chacune a un rôle dans la filtration, la production, ou l’épuration de l’eau. Les 4 Marais, récompensé par le prix "Agriculture" de Futur(e)s Food, cultive ainsi un écosystème unique qui exige peu d’intrants tout en générant une production variée et riche. Le système utilise 1,5 kilo de granulés pour produire non seulement 1 kilo de bars, mais aussi 2 kilos de moules, 400 grammes de vers et 4 kilos de laitue de mer ; des quantités qui illustrent la bio-efficacité du modèle.
"Cette approche, c’est l’assurance de booster la productivité sur de petites surfaces, explique Thomas Miard le concepteur du système, tout en renforçant la résilience de l’écosystème face aux fluctuations environnementales."
À l’origine des 4 Marais, une réflexion, presque un défi personnel pour ce chercheur, passionné par les écosystèmes naturels. Il a conçu ce système qui imite la chaîne alimentaire en circuit fermé, permettant à chaque espèce de contribuer à l’équilibre de l’ensemble. "Tout est interconnecté. En fait, ce que l’on fait, c’est simplement copier la nature", explique avec humilité Thomas, qui voit dans ce modèle la promesse d’une aquaculture résiliente.
En effet, en cas de conditions extrêmes, comme une baisse de la salinité de l’eau ou des périodes de sécheresse, l’écosystème intégré s’adapte, compensant les pertes éventuelles. Un équilibre précieux dans un contexte de changements climatiques de plus en plus fréquents et intenses. "Avec le réchauffement climatique, on va devoir s’adapter à des périodes extrêmes. Ce type d’élevage permet de garder une stabilité de production même en cas de fluctuation de l’environnement", explique Thomas.
Pour autant, développer et maîtriser ce modèle n’est pas sans défis. Thomas a consacré des années à peaufiner ses bassins, et l’interconnexion des espèces demande un savoir-faire pluridisciplinaire : "Il faut être à la fois biologiste, aquaculteur, botaniste et même un peu chimiste." Mais la polyvalence est payante: avec neuf espèces actuellement produites, la ferme des 4 Marais est capable d’offrir des produits variés, de la crevette à la salicorne en passant par des algues comestibles très prisées.
Malgré ses avantages indéniables, ce modèle reste rare, tant il défie les pratiques conventionnelles d’une aquaculture monoculturelle bien installée. Thomas Miard en est pourtant convaincu: avec Les 4 Marais, il a ouvert la voie à un modèle globalement réplicable. Que l’eau soit douce, salée ou saumâtre, que les espèces soient locales ou exotiques, ce système multitrophique peut intégrer n’importe quel type d’espèce dans un circuit de cohabitation et d’interdépendance. En modulant les espèces, chaque bassin dans le monde pourrait recréer un écosystème durable, et faire ainsi évoluer l’aquaculture pour répondre à l’urgence des enjeux alimentaires et environnementaux.
"L’idée, c’est d’en faire un modèle global", explique Thomas, qui voit dans cette méthode une alternative pour les régions du monde les plus vulnérables face à la crise des ressources. Imaginez une aquaculture qui s’autorégule, produit de manière durable et limite les rejets: c’est toute la promesse de ce projet que Thomas espère voir diffusé largement, grâce à la visibilité offerte par l’initiative Futur(e)s Food. "L’aquaculture peut être autre chose qu’un secteur polluant et énergivore. Ce prix est un pas de plus pour faire bouger les choses et inspirer le secteur à prendre le virage de l’équilibre et de la durabilité."
Par Alice Polack et Jean-Pierre Montanay