Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility Philippe Muscat, de la restauration collective à la restauration sociale | Sirha Food

Philippe Muscat, de la restauration collective à la restauration sociale

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Directeur depuis plusieurs années du restaurant inter-administratif de Lyon, Philippe Muscat observe, analyse, les changements de la restauration collective.

Comment avez-vous ajusté tous les changements de la restauration collective ?

Une nouvelle cité administrative va ouvrir, nous gérons actuellement la fermeture de l’actuel restaurant pour accueillir le nouveau, imminent. Depuis le Covid, il y a eu une addition d’événements qui ont presque effacé le Covid et se sont additionnés au fil des mois : l’inflation, le pouvoir d'achat qui chute, la guerre en Ukraine, la loi EGAlim ou encore le dérèglement climatique… A ce jour, la restauration collective gère encore les urgences de ces changements. On est avant tout, dans une recherche de stabilisation. Le Covid était lié à la perte d’activité, là nous cherchons des solutions d’optimisation, contenir les coûts notamment… 

Comment ces coûts ont-ils été impactés ?

Avant le Covid, un repas complet dans notre restaurant était à moins de dix euros. Aujourd’hui on tournera en 2023 autour de 13 euros. J’ai perdu 90 couverts en octobre dernier car j’ai une structure qui a choisi unilatéralement de passer aux tickets restaurants pour leurs agents. Le problème reste le ticket restaurant. Si un jour le prix d’un restaurant de collectivité coûte plus cher que la valeur faciale du ticket, on voit que tout augmente. Nous pouvons imaginer que les prix vont augmenter jusqu’à 16 euros. Et en même temps j’ai payé 160 000 euros d’électricité, en faisant moins de couverts, mes coûts ont plus qu’explosé. La majorité de mes collègues sont en difficultés, des restaurants fusionnent, d’autres déposent le bilan. 

Les coûts se creusent mais également, la crise. On a pu le voir même avant cet été, les Français ont de plus en plus de mal à s’alimenter notamment. Est-ce que le public revient quand même en restauration collective ?

Le public ne revient pas, les 25-30 % perdus à cause du Covid, nous ne les retrouverons jamais. Mais ce public, on peut le récupérer via d’autres actions. Le télétravail a pris sa part, peut être que plus tard nous serons tous au télétravail, et ceux qui le sont déjà ne sont pas revenus, la machine est bien engagée. Il n’y a pas d’éléments rassurants de ce côté-là, surtout quand j’évoque la stabilisation d’un modèle en début d’interview. 

Comment ramener les gens au restaurant collectif ? Quels chantiers avez-vous entrepris de ce côté-là ?

A ce jour, nous maintenons des choses simples, un client il faut l’accueillir, dans n’importe quel restaurant. Ce client n’est pas obligé de venir, mais il est exigeant et il faut donc s’avoir l’accueillir, gérer le temps, le menu doit être bon, l’équipe doit suivre. On a mis en place des formations, travaillé la communication auprès des convives. On a essayé de se diriger vers du végétarien, des produits de qualité, mais à mon sens les gens n’étaient pas prêts. Certains nous ont même fait comprendre qu’ils ne reviendraient plus. Ceux qui se dirigeaient vers le végétarien ne mangeaient que les beignets de légumes, du légumes féculeux, de la panure et de frit. Le risque c’est d’aller vers une certaine malbouffe. Les enjeux vers le végétarien sont vraiment énormes, on ne doit pas découvrir de nouvelles recettes mais surtout de nouveaux produits, de nouvelles saveurs, de nouvelles techniques culinaires.Certains pays sont bien plus avancés que nous car c’est dans leur culture, En France, pour l’instant nous y allons souvent par obligation, Cela va évoluer.Notre alimentation, notre agriculture vont changer dans les années qui viennent, la nouvelle génération est prête.Aujourd’hui nous devons simplement tracer le chemin et oser ce changement. Personne n’utilise par exemple le sorgho ou le niébé, qui sont évidemment des produits venus d’Afrique, mais avec le changement climatique, nous pourrons certainement les utiliser ici. Pour revenir à la stratégie de reconquête, je l’apprends chaque jour, il faut aussi de la patience.  

Depuis juin, vous œuvrez sur un autre chantier : le restaurant social.

Effectivement, cela ne sert à rien de pleurer sur cette perte de 30 % d’activité. Je me dis, comment puis-je faire pour stabiliser mon équipe, mon restaurant, mes fournisseurs, car ils sont beaucoup en redressement judiciaire. Il faut se réinventer, et cela est parti d’un constat. J’écoutais les associations qui rencontrent beaucoup de difficultés dans l’accompagnement des publics précaires, et ces derniers augmentent de plus en plus. Dans mon restaurant, j’ai une équipe, du chauffage, tout ce qu’il faut, il y avait quelque chose à créer. En lien avec la préfecture de Lyon et la DDETS 69, nous travaillons sur une expérimentation afin d’accueillir des convives en situation de précarité alimentaire. 

Pourquoi ne pas ouvrir le restaurant à ces publics pour qu’ils puissent s’attabler pour le déjeuner, pris en charge par le convive et en partie par les associations ? Beaucoup de travaux ont été faits pour savoir quel public nous allions cibler dans cette expérimentation. Nous sommes actuellement entre deux et dix personnes par jour à table, nous sommes en phase d'expérimentation à ce jour mais nous cherchons à faire évoluer les choses jusqu’à la mi-février. L’idée est de s’attabler, manger des repas et des produits de qualité, de sortir de l’isolement et d’être en communauté. Se réinventer, c’était aussi de revenir simplement à de la restauration sociale. 

Pour relire notre entretien en 2021

Propos recueillis par Hannah Benayoun / Photo : Anton Murygin

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