Kol, Zapp, Flink, Dija, Yango Deli, Getir, Gorillas, Gopuff, Frichti, Bam Courses… Que reste-t-il de tout ce petit monde lancé à grands frais en France dans le « quick commerce » en 2021 ?
Avec un chiffre d’affaires global de 134,8 millions d’euros au premier semestre 2022 porté par une croissance de plus de 100% (CA estimé entre 250 et 350 M€), le marché du « quick commerce », soit la livraison expresse de produits de grande consommation, marque le pas en 2023, voire court tout droit à l’extinction. Faillites, suppression de postes, fermetures de dark stores et kitchens, valorisations en chute libre, pertes colossales…Le marché ne tient plus qu’à un fil. Et encore. La licorne turque Getir, qui a absorbé Gorillas et Frichti en chemin, est en redressement judiciaire depuis fin avril, s’est séparé de quelque 1800 salariés en CDI et CDD et affichait une dette de 200 millions d’euros en mars 2023. L’Allemand Flink, qui avait racheté Cajoo il y a un an, a été placé en redressement judiciaire début juin 2023…
Les racines du mal
Après trois ans, le constat est implacable. L’érosion des capitaux (le cash burn), l’inflation et la régulation ont frappé diversement ce secteur, né d’une intuition – la pandémie allait changer les comportements – qui s’est révélée un mauvais calcul.
Pariant sur l’essor de « l’économie de la flemme », les dix start up qui lancent le quick commerce en France financent leur croissance à coup de gros investissements (950 millions de dollars pour la 3e levée de Gorillas, 750 millions pour Flink aussitôt l’entreprise fondée, Carrefour qui investit dans Cajoo), mais la sauce ne prend pas, elle tranche même. Dès 2022, pendant que l’inflation commence son flirt avec la stratosphère, KOL est mis en liquidation, Yango Deli et Zapp arrêtent leur activité France et le ballet des acquisitions commençait - Getir absorbe Gorillas et Frichti, Flink rachète Cajoo -, mais rien n’y a fait, le modèle peine à être rentable : Getir enregistre environ 190 millions d’euros de pertes en 2022 pour un CA d’environ 125 millions d’euros, d’après LSA.
2023, année critique
Les pouvoirs publics se réveillent et passent à l’action. Un rapport parlementaire sur le quick commerce, publié le 3 mai 2023, pointe un modèle économique peu rentable, peu regardant sur les droits des livreurs, notamment. Accessoirement, c’était une offre qui ne correspondait à aucune demande précise du consommateur (se faire livrer ses courses en 15 minutes, la fameuse économie de la flemme), qui assiste à la colonisation urbaine de ces petits locaux aux façades opaques abritant l’entreposage et la préparation des commandes passées à distance, et aux parkings bondés de livreurs en attente, qui ont fleuri dans les centres-villes pour assurer la livraison expresse.
Dernier coup de semonce : le décret du 24 mars 2023, par lequel les dark stores ne sont plus considérés comme des commerces à part entière, mais comme des entrepôts. Ainsi, ce sont aux maires d’approuver ou non l’implantation de nouveaux dark stores dans leur commune.
Audrey Vacher / © @Getir