Elisa Jourde et William Roquier sont derrière la start-up grenobloise FoodPrint. Un éco-calculateur qui vise à limiter l’empreinte carbone des repas en collectivité. Explications.
À quand remonte l’initiative FoodPrint ?
E.J : Après mes études à Sciences-Po Grenoble, je me suis spécialisée en RSE après une année de mobilité au Canada, avec un penchant pour la food. Je cherchais une association, une initiative, dans laquelle m’investir pour le durable. Par la suite, j’ai croisé le chemin de William qui va remonter les débuts de FoodPrint…
W.R : Je suis un Ch’ti à l’origine, en exil à Grenoble. J’y suis arrivé en 2018 pour mes études et j’ai rejoint ENACTUS, association d’entrepreneuriat social. J’y ai donc repris une association qui se trouvait à l’arrêt, qui se concentrait sur de l’audit énergétique des particuliers, bilans carbone des entreprises… Le marché était déjà bien chargé, rien d’intéressant pour les étudiants à ce niveau. Nous avons repris à six le projet et nous sommes partis sur autre chose lors de la semaine du développement durable de l’INP à Grenoble. Un de nous a réussi à trouver sur internet un accès à l’empreinte carbone des produits alimentaires. Nous avons décidé de le proposer au restaurant du CROUS. On a obtenu d’excellents retours sur cette initiative, et en septembre 2019, on a lancé FoodPrint.
Vous utilisez un calculateur d’empreinte carbone, un éco-calculateur. Comment fonctionne FoodPrint de manière pratique ?
W.R : Le processus est très simple. Le restaurateur nous transmet ses menus une semaine à l’avance. Il doit nous faire part des ingrédients, de leur provenance, des modes de cuisson et de conservation. Ce qui sera prépondérant dans le calcul d’empreinte carbone ce sera la phase agricole. Même si on n’a pas la provenance, le label, on peut quand même obtenir un ordre de grandeur fiable. Après l’obtention de ces données, nous les rentrons manuellement dans notre calculateur, qui est relié à la base de données Agribalyse de l’ADEME et de l’INRAE. Ce sont les données les plus fiables et précises à l’heure actuelle. On pourra donc apporter un bonus ou un malus sur notre calcul. Tout le reste du processus est par la suite automatisé, les affichages sont créés automatiquement et le restaurateur reçoit le tout chaque semaine ou alors une url peut être mise à jour en fonction de chaque changement.
Si un restaurateur vous fait part d’un menu qui n’est pas probant en termes d’impact carbone, il ne pourra le modifier dans l’immédiat. Quelle solution s’offre à lui ?
E.J : L’idée est d’orienter grâce à l’affichage quotidien, le choix des convives, d'utiliser ces données pour orienter les achats des restaurants. C’est une course de fond, si sur le taux de prise de l’agneau, par exemple, on observe une chute libre, l’achat de cette viande sera évidemment réduit. Le but est de laisser s’installer un cercle vertueux tout en suivant le levier de la demande. En informant le consommateur le midi même, on va peut-être impacter ses choix personnels, familiaux. On ne pourra pas le mesurer, mais, globalement, l’impact sera là.
Vous êtes actuellement sur des restaurants inter-entreprises et le CROUS. En termes de collectes de données, c'est très intéressant. Quelles observations entre ces différents profils de consommateurs ?
W.R : En milieu étudiant, nous avons observé une baisse de 7% de consommation de repas carnés et en milieu d’entreprise, 4%. Effectivement, le public étudiant est de fait plus sensibilisé à la problématique et ira vers des repas plus vertueux.
E.J : Le taux de prise des repas les moins carnés, on parle en général du repas végétarien, a augmenté de 18% en restauration collective d’entreprise. On voit qu’il y a donc un impact varié. Notre affichage de plats est alterné avec un affichage « le saviez-vous » où on choisit de vulgariser, on nuance ces enseignements pour faire comprendre notre activité.
W.R : C’est toujours difficile de faire des généralités, que ce soit en milieu d’entreprise ou étudiant, il y aura toujours une part de personnes extrêmement investies dans la démarche, que ce soit en consultant l’affichage de manière assidue par exemple. Ce qui est important, c’est la part de personnes qui s’y intéresse, 75% des convives en milieu étudiant qui consultent l’affichage pour leur choix, 15% qui en prennent compte également de manière plutôt régulière. Au final, seulement 25% de ces personnes ne s’y intéressent pas vraiment. Tous ces chiffres, toutes ces données, permettent de produire un impact sur les choix alimentaires.
Propos recueillis par Hannah Benayoun
Photo : FOODPRINT
• Le taux de prise des plats les moins carbonés augmente de 18% grâce à l'affichage
• L'entreprise a permis aux restaurants accompagnés d'économiser (ou de "ne pas émettre") 20t de CO2 équivalent en 2022
• 75% des convives prennent en compte l'affichage FoodPrint pour faire leur choix de plats
• L'affichage environnemental FoodPrint permettrait de diminuer de 9% le taux de prise des plats très carbonés