Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility Le montage du vol-au-vent | Sirha Food

Le montage du vol-au-vent

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Où Roxane et Jean Sévègnes, du Café des ministères dans le VIIe arrondissement de Paris, nous révèlent la subtilité de ce plat séculaire.

Charcuterie pâtissière de référence, le vol-au-vent - quel régal d’écrire ce nom – est devenu par plébicite le plat signature du Café des ministères, chez Roxane et Jean Sévègnes. Les recettes diffèrent mais Jean s’attache à la travailler en appliquant les fondamentaux : une pâte feuilletée aussi légère que possible (qui explique sa dénomination si poétique de vol-au-vent, popularisée par le célèbre Carême autour de 1750), sur laquelle il “monte” un mélange de ris de veau, de crème, d’épinards, de volaille fermière et de truffe. Il nous présente ici ce montage, terme qui renvoie visiblement tout autant au défi lancé à la gravité qu’à l’art de mettre en relation des séquences dans un bout à bout cohérent.

1. Les matériaux de construction
La croustade de pâte feuilletée et les ingrédients de base sont préparés à l’avance car le montage doit être rapide (une dizaine de minutes tout au plus) : le vol-au-vent est fragile et ne “tient debout” que durant les quelques minutes qui le séparent de l’estomac de son chanceux destinataire. D’un diamètre de 15 centimètres environ, le sommet de la croustade est fermé pour se présenter comme un socle plutôt que comme un réceptacle.
Cette forme atypique permet de préserver la tenue de l’ensemble en évitant de ne trop détremper la pâte avec la garniture. Sont par ailleurs prêt à l’emploi une fondue d’épinard, des ris de veaux pré-cuits (voir point 2), des morceaux de volaille fermière, des champignons émincés, de la brisure de truffe et une crème montée.

2. Les ris de veau
C’est l’ingrédient clé du vol-au-vent, celui qui détermine toute l’intensité de cette recette : un morceau de choix raffiné, recherché, prisé, et qui appartient malgré tout à la famille des abats, au “5e quartier”. Comme les autres représentants de cette famille, il repousse les uns tout en galvanisant les autres. Avant de ravir les bien heureux connaisseurs, ce morceau subtil du veau (une glande située à l’entrée de la poitrine qui s’atrophie à l’âge adulte) doit être dégorgé puis blanchi et égoutté avant d’être passé au four avec le reste de la recette.

3. Cuisson
On effectue deux cuissons en parallèle : dans une grosse poêle en fonte, Jean Sévègnes fait revenir la volaille dans de la graisse de canard avec une réduction d’oignon. Lorsque la volaille commence à colorer (environ 5 minutes), il enfourne un premier montage du vol-au-vent (croustade + épinards + ris de veau) à 185° en prenant garde à limiter l’humidité.

4. Sur le feu
La vollaille, à laquelle on a ajouté des champignons et de la brisure de truffe, est déglacée à l’alcool. On y verse alors deux belles louches de crème montée pour laisser mijoter le tout 3 à 4 minutes.

5. Dernière ligne droite
Jean Sévègnes sort le vol-au-vent du four et le dépose sur une assiette : c’est le bouquet final du montage. Il s’agit désormais, comme dans ces jeux d’habileté qui travaillent les nerfs et défient la coordination moteur des joueurs, de poser les morceaux de volaille sur ce petit édifice fragile qui ne demande qu’à s’écrouler sous son propre poids, puis de verser le contenu de la poêle sur l’ensemble jusqu’à remplir l’assiette.

6. L’île aux trésors
Une fois lestée de toute sa garniture, le vol-au-vent n’a plus aucune chance de s’envoler. L’image d’une voile emportée par la brise laisse place à celle d’une île feuilletée émergeant d’un océan de crème aux champignons. Jean Sévègnes a du se ranger à l’avis de ses clients, et au succès de son plat fétiche. Il est devenu un garant de la bonne santé de cette recette inclassable qui devrait être classée. Il est en effet temps de défendre, de redécouvrir et de célébrer cette petite île venteuse, située à la rencontre des continents pâtissier et cuisinier, véritable démonstration miniature des découvertes gustative, visuelle, technique et formelle de “l’art culinaire à la française”.

Par Clément Charbonnier Bouet