Satisfaire des attentes et des besoins, échanger des biens et des services mieux que la concurrence, créer de la valeur. Ce sont les principales raisons d'être du marketing, cet incontournable de tout commerce désormais, et du métier de boulanger-pâtissier.
Avec 32 400 points de vente indépendants et 2 200 industriels, la boulangerie occupe le premier rang des entreprises de commerce de détail alimentaire en France. L'Observatoire de la boulangerie estime que 12 millions de consommateurs franchissent chaque jour la porte d'une boulangerie, dans leur grande majorité pour acheter le pain quotidien mais de plus en plus pour y trouver quelque chose à manger à toute heure de la journée. Ce qui fait tout un monde à nourrir, satisfaire et fidéliser.
Fini le temps du marketing "de masse", où l'on développait des réseaux de boulangeries aux produits uniformes mais repères pour les consommateurs. La proximité avec le client, la traçabilité et naturalité des matières premières, la variété des produits proposés et la digitalisation des services et de la communication sont les leviers principaux de la stratégie marketing des boulangers-pâtissiers des temps modernes. Ces derniers tiennent davantage des "bakery-coffee" aux multi moments de consommation, des lieux de vie, de rencontres autour du savoir-faire boulanger qu'une boulangerie à l'ancienne.
La boutique monoproduit la plus ancienne de l'histoire de l'alimentation est désormais multiproduits. Une mutation qui a accouché de nombreux concepts hybrides, du coffee shop tendanciel à des formules originales, telle l'Épicerie-comptoir de la Mère Brazier, institution de l'alimentaire lyonnais, à la fois boulangerie avec sa baguette Brazier et ses pains spéciaux au levain, charcuterie, crèmerie, pâtisserie et cave à vins.
La boulangerie d'aujourd'hui est également hyperconnectée, grâce aux réseaux sociaux et aux solutions numériques notamment qui permettent d'autres services tels la gestion centralisée de la production et la data des ventes pour le boulanger ; la possibilité de payer via son smartphone, d'u système de Click & Collect, d'un programme de fidélité, d'un abonnement à un service de distribution anti-gaspillage pour le client...
Mutations
Au début des années 2000, la vente de pâtisserie était devenue la principale source de croissance des boulangeries. Aujourd'hui, c'est au tour du snacking, suivi de près par les renaissantes viennoiseries et pâtisserie. Avec le développement de la restauration hors domicile, accéléré par la pandémie, la boulangerie a augmenté ses gammes de sandwichs mais a aussi créé des gammes de salades, quiches, pizzas et soupes de saison. Pour rivaliser avec les autres circuits de consommation, les boulangers se transforment aujourd'hui en restaurateurs-entrepreneurs. La boulangerie à l'ancienne cède la place à des entreprises qui empruntent de plus en plus les codes de la restauration, élargissent et enrichissent leur offre, cherchent de nouveaux moments de consommation et surfent sur les nouvelles attentes des consommateurs urbains. Ce qui fait courir les gens aujourd'hui : l'économie circulaire, l'agriculture biologique, les circuits courts, le café de qualité voire de spécialité... Les gens, professionnels et consommateurs, veulent revenir à un modèle plus sobre, plus respectueux de la terre et de la santé. Un modèle qui fasse sens.
Le snacking, encore associé au fast food, mute progressivement en fast good, synonyme de bien manger, avec un réel effort pour l'équilibre nutritionnel des propositions, plus saines avec le succès des formules végétales, et accessibles à tous les publics.
Montées en gamme
Même si elles doivent rester attentives aux mutations du marché et de leur clientèle, les boulangeries indépendantes résistent face aux rouleaux compresseurs que sont les nouveaux réseaux de boulangerie et les grandes surfaces. Les premières ont su miser sur l'attractivité des centres commerciaux et des zones périurbaines pour déployer et animer leurs vastes points de vente, des lieux hybrides et modernes, alliant fournils traditionnels et espace de restauration dénommées Paul, Louise, Ange ou Marie. Des enseignes ornant généralement les grandes surfaces alimentaires qui rispotent avec une montée en gamme et la mise en valeur de leur offre de produits de boulangerie et pâtisserie, pour répondre mieux aux attentes des consommateurs, notamment concernant la qualité et l'origine des ingrédients.
Valoriser les lieux
Puisqu'un saut à la boulangerie désormais prend des allures de parcours visiteur, il s'agit de soigner tous les détails, de l'extérieur à l'intérieur, faire appel à tous les sens pour attirer et séduire. Le premier auquel le marketing fait appel, c'est la vue. De la boutique, de son identité visuelle, de sa promesse en vitrine, de son éclairage, de son décor intérieur. La tendance est aux grandes baies vitrées avec vue sur le fournil et/ou les produits achalandés. L'Atelier P1 à Paris par exemple offre cette double vue. Ensuite l'odorat, l'odeur du pain frais sorti du four ou l'effluve beurrée des viennoiseries. Pour le toucher, le goût et l'ouïe, ce sera après l'achat emporté dans des emballages soignés et sial"s ou consommé sur place.
L'agencement du magasin et le merchandising permet d'augmenter ses ventes additionnelles (confiserie, petite épicerie pâtissière, chocolats), d'augmenter les ventes de produits à forte marge et d'optimiser la rentabilité. L'objectif est que le client découvre l'intégralité des produits proposés avant d'arriver à la caisse, où l'attendent quelques arguments accrocheurs de gourmandise également. Il s'agit donc de présenter le produits sous ses meilleurs atouts. Première règle : respecter la règle immuable règle des 5B. Le bon produit, au bon moment, au bon endroit, en bonne quantité, au bon prix avec la bonne information. Et le faire savoir.
Digitalisation
Avoir une présence sur les réseaux sociaux est désormais indispensable pour les boulangers-pâtissiers. Que ce soit pour partager des informations pratiques, valoriser ses labels et ses pratiques écoresponsables ou faire découvrir son actualité, son savoir-faire en partageant des recettes ou des tours de main, et ses nouveautés, les réseaux sociaux sont devenus un lien avec la clientèle, une vitrine-miroir en quelque sorte. Et sur ce terrain-là, ce sont les pâtissiers qui occupent le devant de la scène. 2 millions de publications en recherchant sur Instagram le #boulangerie, contre 13 avec celui accolé à la pâtisserie. Autre preuve : les 13 millions de followers d'Amaury Guichon, le nouveau prodige du chocolat, les quasiment 13 millions de fanatiques réunis de Cédric Grolet, Cyril Lignac et Christophe Michalak. Benoît Castel, l'un des boulangers les plus connus de la toile, fidélise près de 60 000 suiveurs.
Agiles et résilients malgré toutes les difficultés, les acteurs de la boulangerie peuvent compter sur d'autres professionnels, du marketing notamment à travers la multitude d'agences proposant leur expertise pour réfléchir et agir pour se mettre en conformité avec les règles du commerce d'aujourd'hui, de la conception à la communication, pour rentabiliser leur affaire. Dans la logique des choses, les prochaines "expériences client" appelées à se généraliser : la commande en ligne, la livraison, le click & collection ou encore le drive-in en boulangerie.
Par Audrey Vacher
Illustration Amélie Fontaine