La famille Benitah livre depuis douze ans aux particuliers et grands chef.fe.s leur viande saumurée, travaillée avec une passion sans faille, au coeur de Paris.
Le pastrami est issu de la culture culinaire d'Europe Centrale, liée à la cuisine juive ashkénaze. Ces recettes n'ont pas toujours été synonymes de gourmandise, elles peuvent être parfois austères, car liées à la tradition. Comment le pastrami et par extension, le Reuben ont réussi à devenir des incontournables de la cuisine pop ?
Simon Benitah : Je pense qu'il s'est démocratisé grâce à la culture américaine, qui s'est emparée du pastrami. Grâce à cette culture, le pastrami a été modifié, déconstruit, contrairement à d'autres recettes effectivement moins goutues comme le gefilte fish. L'origine de ces plats reste très liée à la vie réellement pauvre des ouvriers d'autrefois. Il fallait des recettes simples, mais qui tenaient au corps pour la journée. Aux Etats-Unis, tout le monde s'est mis à embrasser le pastrami, comme la pizza ou le burger, au point où manger un sandwich au pastrami est aussi commun que le jambon-beurre chez nous. J'espère que les gens vont se tourner vers le pastrami comme on a pu se tourner vers le burger. Il y a un manque réel de connaissance du pastrami en France, beaucoup me demandent encore s'il s'agit d'un morceau issu de porc ou si c'est d'origine italienne... Par ailleurs, le pastrami a encore cette image vieillotte, image que l'on souhaite casser grâce à notre delicatessen. Traditionnellement aux Etats-Unis, un deli porte le nom du père ou du fondateur, comme le notre, Will's Deli, du nom de notre père, Willam.
Quel est le défi lorsque l'on prend une recette que l'on éprouve sous toutes les formes possibles ? On cherche à s'éloigner de la tradition ? De la rendre plus libre ?
S.B : On la laisse libre. La tradition trouve sa place dans la carte. Le Reuben ne bouge pas. Mais le pastrami, on souhaite le faire bouger autour de différentes recettes, il se doit d'être tout le temps intéressant. En fonction des saisons, on peut adapter une tapenade, travailler la tomate confite... Mais le pan traditionnel est très important pour aller de l'avant, c'est lié à notre culture.
Vous collaborez avec de grandes tables, des chef.fe.s très importants, dernièrement vous avez signé avec Jean-François Piège, que recherchez-vous dans ces collaborations ?
S.B : Le pastrami demande une dizaine de jours de marinade, une demi-journée de fumaison. Les chef.fe.s sont concentrés sur leur carte et n'ont pas le temps de faire autant de tests autour de cette viande. Je pense qu'ils recherchent une technique, on a pu bâtir une réputation autour de notre travail et le pastrami peut faire son entrée dans des club-sandwichs chez eux sans pour autant figurer à la carte du restaurant. Ces sandwichs sont attachés à la culture du bar ou du room service. Notre viande étant casher, elle peut correspondre à une large clientèle d'hôtel, et cela permet aussi à ces restaurants de se moderniser un petit peu. Notre goût est très marqué, on a réussi le pari de croquer un peu de New York grâce à la viande.
L'offre est toujours plus grande à Paris, comment organisez-vous votre veille, votre perfectionnement ?
S.B : Nous sommes une famille qui a toujours été passionnée de nourriture. Nous travaillons bien sûr ensemble, mon frère réalise des documentaires sur le sujet, on baigne dedans grâce à notre grand-mère. Nous n'avons pas eu le souhait d'aller sur le terrain de la cuisine levantine, car le créneau est déjà pris en main par des gens talentueux qui travaillent très bien cette cuisine. On a fait ce choix de l'Europe centrale, de la cuisine ashkénaze, intimement liée à la culture new-yorkaise. On continue de voyager, de sillonner la scène street food. Il est important de passer tout son temps au restaurant et d'être entouré de cette scène là.
Est-ce que le sandwich au pastrami est un produit boulanger ?
S.B : Absolument. On a travaillé notre sandwich en sillonnant toutes les boulangeries de Paris pour trouver le pain parfait. C'est un sandwich, il ne faut jamais l'oublier, c'est un repas retenu entre deux tranches de pain. Le nôtre est un pain au levain qui vient de chez Franck Debieu (L'Etoile du Berger) qui travaille des farines sourcées localement dans le 77, grâce à des blés anciens. Le pain est absolument majeur.
HB / Alex Gallosi