« Je veux montrer qu’on peut faire du business proprement »
L'« Homo Nordicus » sera l'une des têtes d'affiche du festival Sirha Omnivore Nord du 17 au 19 juin au Touquet Paris-Plage. Fort d'une riche actualité. Il nous raconte.
L'« Homo Nordicus » sera l'une des têtes d'affiche du festival Sirha Omnivore Nord du 17 au 19 juin au Touquet Paris-Plage. Fort d'une riche actualité. Il nous raconte.
On l’a connu transformant l’auberge de ses parents en caravelle exploratrice des rivages locavores. On l’a vu secouer le cocotier du vieux Lille avec Bloempot puis Bierbuik. On l’a suivi brasseur, ambianceur de festivals, biberonneur de nouveaux talents et défricheur d’espaces culinaires. On le (re)découvre serial entrepreneur, ouvrant en quelques mois quatre nouveaux lieux : Klok à Bruxelles, un corner dans le food-court lillois Grand Scène, un autre à la Friche Gourmande à Marcq-en-Baroeul et un Bierbuik à Béthune. En attendant un troisième Bierbuik à Dunkerque… La folie des grandeurs s’est emparée du rugby-chef de Boeschepe ?
Quatre, c’est pour
voir si ça passe
Quatre ouvertures d’un coup, en France et en Belgique. Pourquoi cette soudaine envie d’expansion tous azimuts ?
Quatre, c’est pour voir si ça passe, et si on peut même en imaginer encore d’autres…. Plus sérieusement, l’idée c’est d’être réellement impactant économiquement. C’est bien de dire qu’on veut faire de l’ultra local mais avec nos trois établissements, on ne change rien à l’échelle de la région. Un des maraîchers avec qui nous travaillons et qui est sur 7 hectares doit consacrer une part de sa production à une coopérative bio. Il m’a dit “quand est-ce que tu me commandes plus que je passe en 100% permaculture ?” Avec les quatre nouveaux lieux, c’est ce qui arrive et il a pu se dégager de la coopérative pour produire encore mieux.
Tout cela représente quand même un gros investissement financier…
Oui évidemment, et on n’a pas de business angel derrière nous. On réinvestit tout ce qu’on peut, mais c’est le seul moyen de s’implanter réellement à long terme. Cela veut aussi dire que nous avons repensé toute notre logistique. Nous avons repris les hangars de l’ancienne usine de sacs de pomme de terre de Boeschepe juste avant qu’ils ne soient rachetés par un promoteur qui voulaient les raser pour y construire un lotissement de pavillons… Maintenant, c’est devenu notre camp de base, où nous préparons toute la mise en place des restaurants, et où nous centralisons les livraisons des fournisseurs. Je n’allais pas leur demander de faire des kilomètres en plus. Je préfère qu’ils passent du temps dans leurs champs que sur la route. Et nous on gère la répartition.
Un camp de base qui est donc une cuisine centrale ?
Oui, c’est notre atelier de production désormais. Nous l’avons installé en nous préparant déjà à des développements futurs, y compris je l’espère de la restauration collective pour les cantines d’école. Donc avec des normes d’hygiène ultra strictes mais avec un contrôle total sur tout ce que nous faisons. C’est un outil qui nous permet d’être constants et réguliers, même à grande échelle, sans devoir changer une virgule à nos principes. Les contraintes que cela engendre me faisaient un peu peur au début.
On risquait de tout lisser, de perdre en personnalité.
Mais en fait, cela nous donne encore plus de liberté créatrice.
Travailler à grande échelle est libérateur ? Dans quel sens ?
Dans le sens de pouvoir proposer à chaque chef dans chaque lieu des éléments de mise en place nickel et de leur donner le temps de travailler à fond sur le reste. L’atelier, c’est un peu le meilleur second qu’ils ont jamais eu. Le jus de viande par exemple, au lieu de cinq restaurants qui en feraient 20 litres à raison de 10 heures de cuisson par jour, on en fait 200 litres, qui mitonnent encore plus longtemps et que nous gardons constamment à 110°C. Non seulement c’est plus efficace, c’est aussi meilleur ! Je prépare un pulled-pork pour les Bierbuik en ce moment. Je peux cuire 85 kilos de cochon à basse température pendant des heures et ensuite les envoyer dans les restos qui finissent la cuisson mais avec un produit de base qu’ils n’auraient jamais pu préparer eux-mêmes.
Cette centralisation engendre aussi une plus grande efficience, et donc une réduction des coûts ?
Disons que ça nous permet de continuer à faire du bon à bon prix. On veut rester abordables, c’est un engagement dont je ne démordrai jamais. Je ne veux plus entendre ceux qui nous disent : « on vous fait manger de la merde, mais pas cher ». Je veux montrer qu’on peut faire du business proprement, même si c’est plus long, même si c’est plus difficile, mais que rien n’excuse de mentir aux gens et de les nourrir avec n’importe quoi. Nous sommes en train de mettre une dynamique en place, je sais qu’on bouscule et que ça dérange aussi un peu, mais ce n’est pas le but ultime. Soutenir les producteurs et avoir un impact local durable, ce sera toujours mon ambition profonde.
Propos recueillis par Peyo Lissarrague
Photos : Agence Camille Carlier – Alexandra Battut