La laiterie de Lyon : le fromage urbain
Elles ont fleuri partout en France, ces laiteries urbaines. Après Paris et Marseille, Lyon peut aussi se targuer d’avoir sa propre laiterie, en plein cœur de la ville. Présentations.
Elles ont fleuri partout en France, ces laiteries urbaines. Après Paris et Marseille, Lyon peut aussi se targuer d’avoir sa propre laiterie, en plein cœur de la ville. Présentations.
Ils ont lancé leur projet en mars 2020, un jour avant le confinement. Anaïs Duraffourg et Jean Bordereau ont imaginé La Laiterie de Lyon, une laiterie urbaine, nichée au cœur du quartier de la Guillotière. Un itinéraire passionné et engagé raconté par Anaïs.
Comment est né le projet de La Laiterie ?
Jean et moi-même sommes issus d’une reconversion professionnelle. Jean avait fait la formation IFOPCA crémier-fromager à Paris trois ans avant moi, je suis allée le rencontrer par la suite à la boutique des Trois-Jean qu’il avait fondée afin d’en savoir plus sur la formation. Je suis partie me former à Paris et mon professeur était Pierre Coulon, qui ouvrait alors La Laiterie de Paris, j’avais énormément aimé ce projet, notamment au niveau de l’engagement qu’il y avait derrière la rémunération de la filière laitière. À l’époque, il arrivait, il me semble, à rémunérer le lait autour de 80 centimes le litre. C’était lui qui rémunérait le mieux le lait en France, il se faisait livrer le lait, il le transformait directement dans Paris et pouvait créer des produits à un prix accessible. J’ai passé six mois à la Laiterie avec lui pour apprendre la transformation fromagère avec pour projet d’en ouvrir une à Lyon. Jean et moi-même avons uni nos forces pour le faire ensemble.
Pourquoi avoir choisi le quartier de La Guillotière ?
C’était un hasard ! Nous n’habitons pas loin l’un de l’autre et c’est un quartier extrêmement dynamique, il y a beaucoup de vie, il y a une vraie ambiance et d’une manière plus pragmatique : il n’y avait pas de fromagerie.
Il y a un nouvel engouement pour les laiteries, on parle donc de laiteries urbaines, mais aussi de néo-laiteries…
Les laiteries existaient à Lyon, la dernière a fermé en 2008, elle se trouvait à Sans-Souci. En faisant mes propres recherches sur les laiteries urbaines, j’ai découvert que cette laiterie n’existait plus, car le propriétaire de l’époque ne souhaitait pas investir dans sa rénovation. Le locataire, le fromager, n’avait pas vraiment les moyens d’entretenir un tel local assimilé à une usine.
Votre laiterie a un engagement précis. Vous êtes-vous inspirés d’autres modèles ?
Il y a plusieurs laiteries urbaines dans le monde, à Londres, à New York, à Budapest. À New York, un restaurant est également accolé à la chaîne de fabrication fromagère. Le projet de Pierre était médiatisé et permettait de sensibiliser à ce retour des laiteries en ville. Je suis moi-même fille de producteurs fromagers du Jura, mes parents étaient dans la filière Comté, l’une des mieux rémunérées et protégées en France. Mais le système d’engagement de rémunération de la filière laitière était vraiment un pilier fondateur du projet. Aujourd’hui, cela coûte plus cher à un producteur de fabriquer du lait que de le vendre. Cela pose la question de la rémunération du travail et de la pérennité de ce métier. Ces métiers sont extrêmement durs, du matin au soir, on reste avec les bêtes, 365 jours par an. S’il n’y a pas un engagement de rémunération digne de ce nom derrière ces métiers, ils seront voués à disparaître. Des milliers d’agriculteurs partiront à la retraite et ne trouveront pas repreneur dans les années à venir. On peut mieux rémunérer le lait, mais le prix est aléatoire en fonction du cours du marché, le producteur aujourd’hui subit les offres de prix et n’est pas maître de ce prix sur son lait.
Ce projet vous ressemble, au rythme que vous souhaitez, à quoi ressemble concrètement votre journée de travail ?
Il est important de préciser que nous n’avons pas les bêtes, cela change tout dans la gestion du temps, nous n’avons pas de vaches à traire. Collecter le lait nous permet d’avoir la liberté d’organiser notre semaine de travail, combien de litres on pourra transformer, quels seront les débouchés, quelle est notre possibilité de transformation maximale en fonction de notre production. Nous travaillons avec le Gaec le Mas d'Illins, la famille Laval, à Luzinay, dans l'Isère. Jean va collecter le lait tous les mardis matin et nous étalons notre fabrication sur la semaine. Tout ce qui doit être transformé en lait cru, on le fait immédiatement : nous avons rebaptisé les saint-féliciens, les grands ponts et les saint-marcellins, les Petits Ponts. Nous faisons les yaourts pasteurisés, du labneh ou de l’halloumi. Les fromages partent en affinage et on les laisse dix jours en fonction de ce que veulent les clients. À ce jour, nous transformons 200 litres par semaine, nous faisons nos tests sur les yaourts, les fromages, on examine l’affinage, comment les yaourts évoluent, sont dégustés… C’est une phase d’ajustement nécessaire au début et par la suite nous devrions ouvrir notre propre boutique entre janvier et février pour commercialiser notre production et une partie de négoce.
Qui sont vos partenaires de vente ?
Notre production est vendue dans le magasin des Trois Jean et nous collaborons de manière hebdomadaire aussi avec l’épicerie Vrac en Vill’ de Villeurbanne, nous étoffons nos futurs partenaires. C’est un moment de rencontre, d’échange, de visite entre les professionnels et nous-mêmes. La campagne de crowdfunding Miimosa nous a permis de nous faire connaître. Nous travaillons également avec un jeune chef, Manuel Donatien, dans le développement de yaourts en pots pasteurisés.
Le confinement a relancé l’intérêt des habitants des villes pour le commerce de proximité, vous avez une carte à jouer ?
Forcément, c’est un moment particulier, qui a réinterrogé notre rapport au temps, à la proximité en ville. On a l’habitude de voir travailler les bouchers, les boulangers en ville, ici, on peut voir notre grande table d’égouttage, les gens qui passent tapent à la vitre et on prend le temps d’échanger avec eux. Par-delà la boutique, nous aimerions développer des ateliers de fabrication de fromage ou des ateliers de mozzarella, toujours en ville. Le but serait aussi de déguster les fromages et des vins aux côtés de producteurs.
Hannah Benayoun
13 rue Montebello
69003 Lyon