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Souveraineté alimentaire : constats et perspectives

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On a écouté celles et ceux qui pensent dès aujourd’hui l’alimentation de demain lors de la première journée de la scène Forum. 

Une fois de plus, sur sa scène réfléxive, Omnivore a convoqué celles et ceux qui s'échinent à trouver des solutions pour une terre plus habitable, une nourriture plus acceptable, mieux imaginée, des ressources mieux récoltées et une cuisine forcément, meilleure.
Mais avant de parler cuisine, il faut disséquer notre agriculture, nos élevages ou nos matières premières. Pouvons-nous reprendre le dessus sur notre manière de trier nos ressources ? Résister aux systèmes courts-termistes mais opter, dans le monde qui est le nôtre, à des méthodes patientes, parfois lentes mais résolument plus saines. La souveraineté alimentaire est l'un des sujets majeurs de cette 17e édition d'Omnivore. Au Forum, épicentre réflexif du festival sur ces trois jours, sur la Grande Scène et évidemment la scène Artisan, celles et ceux qui modèlent des solutions ont carte blanche pour nous inspirer. Alimentation souveraine, day 1.

Pour savoir ce qui a été vu et entendu sur le Festival, c'est ici 

Agriculture victime et coupable du dérèglement climatique ?

Été 2022, la France vit une sécheresse presque inégalée dans l'histoire de notre pays depuis 1976. Depuis 2003, elles sont fréquentes, rapprochées et le couperet est visible. Comme le rappelle Laurène Petit, animatrice du Forum cette année : « C'est bien l'équivalent de la Belgique et de la Suisse qui sont partis en fumée cette année. » Les agriculteurs et producteurs ont déploré des cultures sinistrées, gâchées. Ces sécheresses deviennent des marqueurs flagrants du dérèglement climatique qui atomise littéralement l'agriculture et de fait, notre alimentation. Cette dernière représente également en France un quart des émissions de gaz à effet de serre. Alors l'agriculture, responsable et victime de son œuvre ? Depuis plus de soixante ans, les méthodes agressives d'élevages intensifs sont de plus en plus responsables de ce dérèglement sur le territoire. L'eau, quant à elle est décisive. Définitivement en péril, il faut rappeler cependant que le volume d'eau sur la planète ne faiblit jamais. Cependant, le dérèglement impacte sa redistribution territoriale et de fait, notre alimentation. Des choix sont à faire pour atteindre une nouvelle alimentation responsable.

Méthodes alternatives et assiette de 2050

Pour Benoît Granier, du Réseau Action Climat, la fin de l'élevage intensif est là, sous nos yeux, il n'est plus pérenne. « Il faut définitivement fermer la porte à ce type d'élevage qui occupe tous les territoires et empêche la culture de légumes, de graines. » Pour retrouver une place d'acteur sur nos productions, accompagner les acteurs concernant vers un éloignement progressif de ces méthodes : moins de pesticides, moins d'intrants transformés, pousser l'alimentation d'animaux sur place, par un biais plus naturel. Garantir la résilience alimentaire signifie acquérir également une nouvelle sécurité alimentaire : « La recherche scientifique est active concernant l'assiette de demain : elle sera effectivement composée de deux fois moins de viande qu'en 2020, riche en légumineuses ». La viande quant à elle, sera une viande issue d’élevage en plein air pour les granivores, on parle de pâturages extensifs. Des animaux nourris avec des denrées produites sur place, céréales produites sur la ferme. Résultat, une assiette plus locavore, indépendante, imaginée sur nos territoires. Et si l'assiette souveraine de demain se cachait là sous nos yeux, au kilomètre zéro de l'empreinte carbone ?

Une justice sociale garante d'une souveraineté alimentaire pérenne

Mais comment rendre dorénavant accessible et visible ces ressources ? Paul Charlent a créé Alancienne. Cet ancien centralien et ex-élève de Berkeley a réfléchi en 2016 à un modèle alternatif d'alimentation, largement alimenté par les rémunérations minimes des producteurs. Il rappelle : « En France à ce jour, un tiers des producteurs gagne 350 euros par mois. » Une déconnexion absolue entre l'ouvrage fourni sur nos territoires et la rétribution finale. De plus, la flambée des prix des intrants agricoles, des céréales et des engrais, fragilisent de plus en plus les métiers agricoles. En créant son entreprise, il souhaitait « ramener la ferme à la maison », reconnecter le consommateur avec les productions alentours, revenir à la base de l'agriculture et prouver qu'un circuit court signifie une rémunération plus juste. En vendant ses paniers de fruits et légumes et de viande, il peut à ce jour, rémunérer ses 200 producteurs partenaires à environ 2000 euros net par mois. Une confiance rétablie entre production et vente. Réintégrer le producteur dans une logique moins déshumanisée, c'est aussi l'argument d'Agnès Delefortrie, enfant d'agriculteurs en Picardie, ancienne agronome œuvrant dorénavant aux Greniers d'Abondance* car « la détresse des agriculteurs est un vrai sujet qu'il faut réellement prendre en compte, un enjeu de justice sociale central. » 


Mais les consommateurs eux aussi, ne sont pas tous au même niveau. Comme le rappelle Damien Conaré (UNESCO) au micro d'Ecotable, le concept de démocratie alimentaire est né à la fin des années 1990, conceptualisé par Tim Lang. À cette période, deux tiers de la consommation alimentaire des foyers se faisait dans les hypermarchés, lieux fastes de la transformation alimentaire. Ces chiffres ont évidemment évolué, mais la plupart des foyers demeurent encore bien loin de l'assiette de 2050, plus vertueuse et raisonnée pour des raisons de moyens mais aussi d'accès à la bonne nourriture. Benoît Granier le confirme, « l'assiette de demain sera aussi à deux vitesses ». Certainement beaucoup plus pourvues en protéines animales pour les foyers les plus précaires, plus pauvres en fibres, et de l'autre côté plus légumineuses, variées et locavores pour les foyers les plus aisés. Pour accompagner cette souveraineté alimentaire, là aussi, un travail social est à mettre en œuvre dès maintenant pour éviter le gap social.

Démocratisation des sujets alimentaires en école, ouverture à la variété alimentaire, mais aussi résolution du pan financier de ces avancées. François Vauglin, maire du XIe arrondissement de Paris, a déjà dégagé une marge de manœuvre pour intégrer dans les écoles une alimentation 100% durable. Moins de parts carnées, un repas à 13 centimes pour les familles les plus défavorisées, une alternative végétale proposée quotidiennement prochainement. Rééduquer par le goût, réapprendre la vraie saveur des aliments. Mais cette ambition reste une goutte dans le vaste projet global de l'amélioration de l'alimentation en milieu urbain. Agnès Delefortrie soutient quant à elle un système de sécurité sociale de l'alimentation : une somme allouée tous les mois comme des cotisations. Une somme dépensée dans l'alimentaire, mais orientée vers plus de local pour rémunérer plus justement les fermiers et producteurs. Mais la volonté politique reste décisive comme le souligne Aurélie Catallo, coordinatrice pour la plateforme Pour une autre PAC. La problématique d'une nouvelle alimentation ne peut se faire uniquement de manière isolée, la modification profonde et radicale de la Politique Agricole Commune serait résolument nécessaire pour atteindre, enfin, une nouvelle souveraineté à l'échelle globale.

Par Hannah Benayoun

Photo : Forum par White Mirror

* Les Greniers d'Abondance est une association qui s'intéresse aux problématiques liées à l'alimentation des Français. Ecosystème composé de chercheurs, citoyens, experts, qui étudie les voies possibles vers une résilience alimentaire efficiente

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