Cédric Grolet : le goût sûr
Les Fruits, le Meurice, la baguette ou le chocolat, Cédric Grolet revient sur son métier en 7 questions. Echanges avec le Président d'honneur de la Sirha Pastry World Cup.
Les Fruits, le Meurice, la baguette ou le chocolat, Cédric Grolet revient sur son métier en 7 questions. Echanges avec le Président d'honneur de la Sirha Pastry World Cup.
Comment appréhendez-vous ce rôle de Président d’Honneur de la Coupe du monde de la Pâtisserie ?
C’est avant tout une fierté. Quand Pierre Hermé m’a demandé d’endosser ce rôle, j'ai apprécié qu'il me témoigne sa confiance, également envers mon travail. Je ferai de mon mieux, je veux me mettre à disposition pour faire les choses bien.
Comment les concours de cuisine permettent aux différents écosystèmes, les artisanats, les filières, les métiers, de communiquer entre eux ?
Lorsque l’on parle de concours, on sort d’un certain confort, d’une régularité journalière. On se tourne vers un confort « moins agréable » qui nous pousse à nous dépasser et on peut accomplir des choses que l’on ne pensait pas être capable de faire. Quand je pense concours, cela m’évoque le sport, le dépassement de soi et évoluer. J’ai toujours aimé les concours, j’en faisais beaucoup étant plus jeune. Ils contribuent à faire évoluer nos métiers.
Votre parcours est tout sauf « confortable », vous vous êtes éloigné de la pâtisserie classique pour emprunter un chemin plus atypique. Est-ce simple de conserver son identité à l’heure où tous les codes de la pâtisserie changent ?
Je suis né pâtissier. J’ai toujours aimé ce métier grâce à ma famille, notamment mon grand-père. Je me considère comme un pâtissier qui adore son travail. Je suis persuadé qu’il ne faut pas penser à tout cela, rester soi-même, avancer en se fixant des objectifs. Toute l’énergie que l’on peut voir dans un concours, je la mets dans ma carrière, tous les jours en y incorporant des défis, bien sûr à moi-même mais également à mes collaborateurs, dans mes entreprises…
Vos pâtisseries sont reconnaissables au premier coup d’œil : créativité, technique de pointe, signature visuelle. Comment nourrissez-vous votre processus chaque jour ?
Tout naît d’un certain respect, un respect inculqué par ma famille. Un respect envers les autres bien sûr, mais également envers la nature et mes producteurs. Pour la créativité, j’obéis à une sorte de logique « entonnoir ». Dans mon esprit quand je pense à un dessert, il se passe beaucoup de choses et j’applique cet effet entonnoir : je vais ôter tout ce qui est inutile pour rester sur des choses très simples, très pures, élégantes, pas de décor en sucre ou chocolat, pas de logo.
Cette idée d’un certain dépouillement est au service d’une sobriété. Vous êtes attaché à l’idée de responsabilité environnementale. Comment vous disciplinez-vous pour conserver ces objectifs ?
J’ai simplement trois magasins, avec des identités différentes, je ne cherche pas à multiplier mon offre en ayant cinquante magasins ici ou ailleurs dans le monde, cela ne m’intéressera jamais. Plus vous en voulez, plus vous consommerez, plus vous détruirez et plus vous aurez de pertes. Je n’ai jamais jeté un gâteau de ma vie, tous mes packagings jusqu’aux couverts, tout est recyclé. Je travaille au plus près de mes producteurs, je connais leur fonctionnement et je sais également comment sont traités leurs animaux par exemple.
Le sucre est un bagage commun à toutes et tous, un souvenir d’enfance, par exemple. Au fil des divers échanges avec les chef.fes, le « goût juste » revient beaucoup dans les attentes du concours. Quelle est votre approche ?
Je pense qu’il faut oser retourner en enfance. Du simple, classique. J’utilise ce dicton : « le beau fait venir et le bon fait revenir ». C’est la vérité, et pas seulement en pâtisserie. Quand je façonne mes gâteaux, je ne mélange jamais les saveurs. Je veux qu’au premier coup de cuillère, on comprenne ce que l’on va déguster. Je fais le maximum pour conserver un goût aussi brut que celui que la nature a pu me donner. Je ne souhaite pas mélanger diverses saveurs. Quand j’ai créé Fruits, j’en avais assez de recevoir des poires, les couper dans tous les sens, les voir finir en carrés ou en ronds. J’ai travaillé diverses variétés, j'ai voulu les cuire différemment, les assaisonner, me rapprochant peu à peu de la cuisine. En assaisonnant simplement, je respecte la nature et ce qu’elle me donne.
Propos recueillis par Hannah Benayoun
Photographie : Calvin Courjon