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CBD : un coup de food fumeux ?

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Sur des pizzas, dans des glaces, en ingrédient… partout, le CBD fait infuser la planète food. Coup marketing ou véritable coup de food ? 

« Honnêtement les modes, je m’en fous, ça me gonfle. » Assis dans la plus récente de ses Boutiques, dans le IIIe arrondissement de Paris, Philippe Conticini évoque la dernière toquade de la planète food : le cannabidiol (CBD).

Le CBD, qui se cachait encore il y a peu au fond de shops obscurs entre deux bâtons d’encens et des posters de Hare Krishna, sous forme de friandises (bonbons, cookies…), envahit depuis peu la planète « food ». Pizzerias, glaciers (les bûche, caramel, glace et milk-shake de Glazed), épiciers (la Confiture parisienne), bars à jus et à cocktails (le Rehab Bar), pâtissiers et cuisiniers s’y sont tous mis…
Le CBD, qui n’est pas un stupéfiant, mais une molécule de chanvre contenue dans la plante de cannabis au même titre que le THC (tétrahydrocannabinol), a un effet uniquement relaxant. Par ailleurs, l’arrêté du 22 août 1990 portant application de l’article R.5132-86 du Code de la santé publique pour le cannabis, stipule que certaines variétés de cannabis ou de chanvre, dépourvues de propriétés stupéfiantes peuvent être utilisées à des fins industrielles et commerciales sous trois conditions cumulatives : moins de 0,2% de THC dans la plante et absence de la molécule dans le produit fini, variété de chanvre autorisé par la loi et usage de graines et de fibres uniquement.

LIQUIDES & SOLIDES

Ce sont les vertus relaxantes du produit qui poussent David Migueres, figure majeure des spiritueux et boss de la marque Chilled, une eau gazeuse au CBD infusée à l’hibiscus, à se jeter à l'eau en 2019. « Quand j’ai arrêté la cigarette en 2016, j’ai eu mal à la tête, des courbatures… et, à ce moment-là un pote californien m’a parlé du CBD. J’ai commandé de l’huile et ça a hyper bien marché sur moi. »  

Mais quel est donc l’intérêt gustatif du CBD ? Quand Philippe Conticini rencontre les dirigeants de French Farm, son fournisseur actuel, les choses sont claires : « Pour moi, il y avait deux marqueurs importants, soit on ressent quelque chose quand on le mange et/ou il faut que ça ait du goût. »  Le CBD a une véritable identité gustative qui peut cependant varier selon la forme sous laquelle on l’utilise. Dans le cas de l’huile telle que celle utilisée dans le Cirrus (photo ci-dessous), beau bébé aux agrumes sous perfusion de CBD, c’est une saveur herbacée et une amertume franche qui viennent saisir le palais. « Avec Julien (son responsable R&D), le goût des agrumes est venu immédiatement dans notre tête et ensuite on s’est dit il nous faut quelque chose pour arrondir l’amertume, donc on a ajouté une coque en chocolat blanc. »

Chez Anthony Courteille (Boulangerie Sain), c’est une autre façon de travailler qui a été choisie. Il utilise la plante, découverte par hasard dans un smart shop de sa rue, sous sa forme végétale (variété Orange Bud) en la faisant infuser dans de la crème. Il en extrait ainsi des saveurs acidulées qu’il associe tout naturellement à du chocolat dans une barre croquante-gourmande (photo en haut), « en attendant de faire de nouveaux tests, avec des fraises notamment ».
Mais finalement, au-delà de ses considérations gastronomico-relaxantes, le marketing joue bien évidemment un rôle dans l’émergence de ce produit, car le CBD attire le client curieux bien qu’il coûte cher, voire très cher (pour sa forme la plus répandue, l’huile, compter 5 000 euros le litre). « Moi je fais moins de ratio sur ces produits mais ça nous fait de la com au final », reconnaît le boss de la Boulangerie Sain.

SAVEUR « BIEN-ÊTRE »

Le prix exorbitant s’explique, tout d’abord par le flou juridique qui entoure l'exploitation agricole et commerciale du produit dans de nombreux pays européens. Un rapport parlementaire, publié mercredi 10 février, appelle à sortir d’une situation « quasiment ubuesque » pour offrir à la France, premier producteur européen de chanvre, une réglementation plus souple sur les produits à base de cannabidiol. Les auteurs recommandent notamment « l’autorisation de la culture, de l’importation, de l’exportation et de l’utilisation de toutes les parties de la plante de chanvre à des fins industrielles et commerciales, y compris la fleur ». Le décret autorisant tout ceci est attendu pour le premier semestre 2021.
« Le manque de cadre législatif rend également l’extraction extrêmement coûteuse et c’est pour ça qu’on se fournit en Suisse », explique David Migueres, puisqu’une décision de justice européenne datant de novembre dernier, autorise la circulation du CBD sur le continent. Selon le Syndicat professionnel du chanvre (SPC), le marché français pèse aujourd’hui 150 à 200 millions d’euros et pourrait atteindre le milliard d’euros d’ici à 2023 si l'horizon juridique est dégagé.

Le CBD peut-il s’imposer en gastronomie sans un véritable cadre juridique et, de fait, d’une baisse du prix de la matière première ? C’est probablement ainsi que l’usage du CBD tendra à se démocratiser, que ce soit pour ses vertus « bien-être » que pour sa saveur marquée, car finalement c’est autant un phénomène de mode qu’un marché disposant d’un potentiel de croissance énorme, à l’image de son développement sur le territoire américain. La preuve, chez Chilled le taux de repeat (renouvellement d’achat par un même client) est de 30% !

Textes et photos : Florian Domergue
 

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