Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility Valentine Franc & Christel Régis : « l’agriculture soulève des questions essentielles » | Sirha Food

Valentine Franc & Christel Régis : « l’agriculture soulève des questions essentielles »

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Rencontre croisée. Valentine Franc cultive ses blés anciens dans l’Essonne avec patience et Christel Régis imagine la boulangerie en accord avec ses convictions. 

Christel, vous avez quitté Paris et Perséphone, votre boulangerie, pour la Haute-Savoie. Un nouveau projet ?

Christel Régis : J’ai suivi mon épouse ! Une nouvelle fois vers une nouvelle destination ! Cela n’a pas été simple de quitter Paris car 5 ans de boulangerie, c’est le moment idéal pour qu’une affaire mûrisse vraiment. On a enfin acquis des mécanismes d’organisation qui font que l’on peut se dégager plus de temps. En Haute-Savoie, l’idée n’était pas de reprendre une affaire, cela ne m’a jamais intéressée, mais bien de recommencer de zéro. Je souhaitais une vraie rencontre avec un lieu. Le but étant de travailler moins, faire des marchés, pas forcément de boutique et enfin, de la formation. 

Vous avez toutes deux en commun, la reconversion. Quel a été le déclic pour vous Valentine, en reprenant la Ferme de Montaquoy et faire de l’agriculture votre vie ?

Valentine Franc : J’ai hérité de cette ferme, j’aurais pu évidemment de ne pas accepter. Ce métier est juste essentiel. On a besoin de choses fondamentales : du temps qu’il fait, de savoir comment les graines germent, c’est pour moi une question très profonde. Je ne pouvais passer à côté. . Je fonce la tête baissée, je me dis « on y va ». Pourtant, on est obligé de se poser tout de même, ne serait-ce que pour comprendre le processus d’une saison, c’est long, il faut quelques années pour comprendre. Il y a beaucoup de mauvaises, de bonnes saisons, pléthores de paramètres qui entrent en compte en agriculture. 

Vous œuvrez ensemble pour un pain plus en phase avec son époque. Quelle est votre mission de consommation du pain, l’une et l’autre ?

Christel Régis : Ce qui m’intéresse dans le pain c’est aussi sa valeur nutritionnelle. Le pain, on en mange moins, car nous sommes résolument plus sédentaires, moins en mouvement qu’autrefois. Celui que l’on doit dorénavant doit avoir une valeur nutritionnelle qui correspond à notre vie. Il est aussi nécessaire faire cesser ce cercle infernal autour de la fabrication du pain et des blés toujours plus trafiqués, d’une agriculture trop intensive, la paupérisation des sols… Mon modèle se construit en opposé, je suis sur une petite échelle avec une maîtrise globale des outils. 

Valentine Franc : On pourrait expliquer simplement tout ce qui s’est passé entre les années 50 et maintenant sur la fabrication du pain. Mais on s’aperçoit maintenant de manière claire que l’utilisation des produits n’était pas la bonne, les transformations des graines, les conservateurs, les additifs… Je vais au plus simple, je prends mes graines non transformées, je les plante, je peux faire ma farine au fur et à mesure, je ne stocke pas et je n’ai aucune idée de ce qu’est un conservateur. On réalise aussi que c’est tout simplement mieux comme ça.



C.R : Il faut aussi avoir l’exigence qui va avec, car les boulangers ont eu beaucoup de béquilles, de facilités et à la fin on ne mélangeait plus que de l’eau et de la farine. C’est linéaire et on est surtout sur une uniformisation des goûts et je lutte résolument contre ça. En tout cas tu as du courage, la région parisienne a un temps capricieux !

V.F :  Je pense que c’est un peu partout pareil. Nous avons semé le 31 décembre « à l’arrache », nous ne sommes même pas sûr d’avoir du blé car il n’est pas encore sorti. Dans le sud, à l’inverse, ils n’ont pas eu de pluie. Nous sommes en train de gérer des paramètres extrêmes et on doit faire avec. 

Les climats impactent forcément les cultures, ce n’est pas aussi simple. Avez-vous peur pour vos métiers ?

Valentine Franc : On peut avoir peur évidemment ! Cela a toujours été compliqué. Il faut évoluer, choisir des variétés peut être plus rustiques… 

Les céréales n’ont jamais été autant évoquées dans la presse mondiale depuis la guerre en Ukraine. Vous travaillez les blés anciens qui sont fragiles, et ces blés intéressent les nouveaux boulangers. Ce regain d’intérêt est-il bon signe ?

Valentine Franc : C’est bon signe mais il faut être exigeant, on n’appuie pas sur un bouton et on a de la farine ou du pain. Il faut une vraie technicité, de la patience. Il y en a qui vont s’y intéresser, mais pour l’instant dans le pays, il n’y en a pas des tonnes.

En 2022, nous avions évoqué la place des femmes dans les métiers de la boulangerie, de l’agriculture céréalière bien sûr. Quelles observations selon vous ?

Christel Régis : On constate un pas en avant pour un autre en arrière. Certaines femmes parviennent à monter quelques affaires mais le problème de l'accord de financement est toujours le même. Quand une société évolue, s'assouplit, progresse, il y a toujours un mouvement qui souhaite l'inverse. Pourquoi à compétences égales, à valeurs égales, pas les mêmes financements ? J'aurais aimé avoir des modèles de femmes entrepreneures, je veux porter cette parole, être visible et ne pas être une caution. 

Valentine Franc : Au contraire, je trouve que cela attire l'attention. On n'est pas forcément soutenues, mais on prend une place et on nous accueille quand même. Si on a foi en ce que l'on fait, cela nous ouvre des portes, je suis heureuse de ce que l'on fait. 

Propos recueillis par Hannah Benayoun / Photos : Alex Gallosi

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