Six à table, contact tracing, et baisser de rideau à 21 heures. Les acteurs de l’hôtellerie restauration s’apprêtent à vivre 4 à 6 semaines éprouvantes, en couvre-feu.
Vingt millions de personnes, soit autant que de téléspectateurs devant leur petit écran et Emmanuel Macron aux 20 heures mercredi soir, sont concernées par les décisions annoncées par le Président. Ainsi l’instauration dès samedi de l’état d’urgence sanitaire et dans huit métropoles – Lyon, Saint-Étienne, Grenoble, Lille, Rouen, Toulouse, Montpellier et Aix-Marseille –, un couvre-feu entre 21 heures et 6 heures du matin. L’objectif de cette dernière mesure que le chef de l'État espère pouvoir faire durer jusqu'au 1er décembre : faire chuter les statistiques affolantes du coronavirus.
Réactions
Dans la métropole de Grenoble, Danièle Chavant, la présidente de l'UMIH38, atténuait à peine son dépit et ses craintes : « Le préfet, que nous avons eu mardi en visioconférence, nous a annoncé onze clusters en Isère : six en EHPAD, quatre en université et un dans un lieu de santé. Aucun chez nous. Ce que nous craignons, c’est la fermeture définitive d’établissements. Nous, nous sommes là pour respecter ce qui est mis en place par le gouvernement. Ce qui est grave, c’est qu'il y a un moment où l’obéissance va nous amener à une situation catastrophique. »
Didier Chenet, président du groupement national des indépendants de l’hôtellerie-restauration, ne décolérait pas, lui, sur les ondes : « Ce n’est pas possible, c’est une mesure punitive à notre encontre. Je ne veux plus entendre dire “Vous serez indemnisés pour peu qu’il y ait une fermeture administrative”, parce que ce n’est pas vrai. Il n’y aura pas de fermeture administrative et pourtant on sera bien obligés de fermer. »
Du côté des politiques, surtout ceux qui devront faire appliquer les mesures dans leur métropole en alerte maximale, le ton se veut responsable et modérateur. Ainsi Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France : « Le couvre-feu est aujourd’hui la seule réponse crédible à cette situation assez dramatique. Ça va être une épreuve qu’on va devoir traverser ensemble mais nous devons nous retrousser les manches parce qu’il faut sauver des vies et sauver l’activité économique. »
Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon réagissait aussitôt l’annonce digérée dans ce même sens : « Je souhaite que les mesures d'accompagnement des professionnels soient précisées rapidement. »
Il faut « rester unis, a exhorté Anne Hidalgo, la maire de Paris, et appliquer les mesures annoncées par le Président de la République, même si elles sont dures. Paris continuera de soutenir toutes celles et tous ceux qui la font vivre : les commerçants, les restaurateurs et l’ensemble du monde de la culture. »
Angoisses
Parce que l’ensemble de la profession, toujours pas remise du confinement consécutif à la première vague, est inquiète, craignant que la seconde ne les achève. Christian Têtedoie déclarait jeudi : « C’est une folie. Nous avons déjà subi deux mois et demi de confinement. Maintenant le couvre-feu à 21 heures, c’est parti pour six semaines. À part le chômage partiel et les reports de charges, on nous fait toujours des promesses et on ne voit rien venir. La plupart d’entre nous avons des prêts il faudra bien les rembourser. Mais on va se battre, s’adapter, trouver peut-être une formule rapide ! »
Même optimisme malgré quelques interrogations chez Joseph Viola, des restaurants Daniel et Denise : « C’est un coup d’arrêt pour nous tous. Je ne sais pas comment nous allons faire. Est-ce que les clients vont avoir envie de venir à 19 heures et de venir tout court ? Mais je suis décidé à faire face, à trouver des solutions pour faire oublier à nos clients cette galère et leur apporter du plaisir, ce qui est la vocation de notre profession. Et puis il nous faut maintenir nos employés, alors gardons le moral. »
Aide à la profession
Élargissement des protocoles d’aides, fonds de solidarité élargi dont le montant de l’aide peut aller jusqu’à 10 000 euros, exonération totale de cotisations sociales et patronales durant le couvre-feu, dès lors que les cafés et restaurants présentent 50% de perte de chiffre d’affaires, les prêts saisons garantis par l’État seront accessibles jusqu’au 30 juin 2021. Tout comme prêts directs de l’État. Un report des remboursements de prêts pour une année supplémentaire pour les entreprises qui en ont vraiment besoin est en discussion avec la Banque de France… Ce sont les précisions apportées jeudi par le Premier ministre et les ministres de l’Économie, de l’Intérieur et de la Santé quant aux interrogations sur le soutien dont disposeront les professionnels de la restauration et du monde de la nuit.