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Boulangers disrupteurs

Le 21 July 2020

Attachés à un sourcing vertueux, au bio, au zÉro dÉchet, au circuit court, ces boulangers explorent l’avenir de la filière.

Attachés à un sourcing vertueux, au bio, au zÉro dÉchet, au circuit court, ces boulangers explorent l’avenir de la filière.

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Selon une étude CHD-Expert publiée en 2019, la France compte 29 600 boulangeries-pâtisseries artisanales et chaînées. Des boulangers qui bougent les lignes participent activement à l'évolution de la filière. Nous leur consacrons une série de portraits. Premier épisode : Amaury de la Tour et Sylvain Hanriot-Colin, qui revalorisent leurs déchets.

Amaury de la Tour : boulanger-brasseur 

Chez Amaury de la Tour, boulanger à Clamart, dans les Hauts-de-Seine, avec son épouse, on ne se contente pas de recycler, on revalorise le pain invendu. Boulanger depuis des années et ébranlé par le constat de l’ADEME sur le gaspillage alimentaire qui s’élèverait à 10 millions de tonnes de nourriture par an en France, il a radicalement cessé de jeter ses invendus. Pour continuer à consommer ses productions, le boulanger décide en 2019 de les conserver pour en faire de la bière. Les pains restants sont séchés chaque soir au four, triés, concassés. Ils sont ainsi destinés à remplacer 25% de l’amidon du malt par celui contenu dans le pain. Son « jus » unique, il l’a baptisé la Moissine, une gamme de bières au goût toasté, torréfié, vendue dans sa boutique. Trois bières, trois humeurs : la blonde, la rouge et la brune, toujours « au pain », et ajustée en fonction des graines, des épices utilisées. « Notre bière est vendue dans une vingtaine de points de vente actuellement. » La Moissine, on peut la « dénicher » en région parisienne, et elle coûte seulement 3,50 euros dans sa boulangerie. 

L’ambition zéro déchet d’Amaury de la Tour a titillé d’autres boulangers, mais aussi des distributeurs. Un grand groupe de grossistes français serait en pourparlers avec le boulanger-brasseur pour revendre la Moissine à grande échelle. Mais l’engouement de ces potentiels partenaires n’a pas dévié le boulanger de sa motivation première : continuer à travailler avec des associations qui encadrent les personnes en réinsertion sociale, toujours pour conserver cette logique écoresponsable. Le boulanger fait appel à ces dernières depuis le début, notamment pour le tri des pains destinés à la bière. 

Sylvain Hanriot-Colin, tout beau tout bio

Sylvain Hanriot-Colin parcourt les 60 mètres carrés du fournil de la Paume de Pain, son antre, son laboratoire. Avec fierté, le sourire aux lèvres, il présente son pétrin qui a vingt ans, un superbe Artofex vintage. Éclairée par les immenses baies vitrées qui donnent sur la rue, la préparation est pétrie avec soin, patience, un véritable éloge de la lenteur. Après dix ans en tant que cheminot de la SNCF, Sylvain Hanriot-Colin lâche tout pour une reconversion à l’école Internationale de Boulangerie. Mais le déclencheur, ce sont sûrement ses quatre années en contrôle qualité dans l’industrie agro-alimentaire et notamment dans les avants-produits pour la boulangerie-pâtisserie qui lui laissent un goût amer.  Le futur artisan comprend alors ce qu’il ne voulait pas faire : des « poudres magiques qui fabriquent du pain ». Le boulanger a opté pour le bio.

Dès 2016, il pétrit son pain au levain bio naturel et pur à Lyon, une rareté : « On doit être à peine quatre à le faire en ville. » Du pétrissage à la vente, tout se faisait de son fournil : pas de boutique à l’horizon. Un choix « pour recentrer vers le produit ». Les années ont passé et le boulanger délivre dorénavant à sa clientèle 1,2 tonne de pain par semaine dans sa boutique de la Croix-Rousse. Ses clients sont fidèles mais exigeants : « Il faut que j’assure une vente de pain jusqu’à 20 heures. » Ils affluent dès le lundi 16 heures pour des croûtes ultra craquantes, une mie aux accents de miel, cette texture unique qui dure entre cinq et sept jours grâce à la qualité du levain.

Mais Sylvain Hanriot doit être attentif, sa clientèle est encore variable. « Il m’est difficile d’évaluer nos volumes de vente à l’avance, à cause de la variation de la fréquentation. » Lorsqu’il lui reste des invendus, le boulanger les confie à des associations (notamment avec sa petite offre de snacking/cantine bio) et « ne jette quasiment plus rien à ce jour ». Mais côté zéro déchet, il y a toujours plus à faire selon lui : « La balle est plutôt dans le camp des industriels, des fournisseurs, afin d’éviter le suremballage, ceux qui ont une responsabilité en termes de volume de déchets, des plastiques. La Loi EGalim arrive presque trop tard... » 

Même s’il se définit encore comme « petit artisan », le boulanger est à la tête d’une société qui compte aujourd’hui huit salariés, comme beaucoup de néo-boulangers. Plusieurs vendeurs, une cheffe, divers prestataires et même un gestionnaire de réseaux sociaux pour la marque. « Je n’ai jamais eu l’ambition d’une expansion folle et je ne me définis pas comme un businessman, mais il ne faut pas perdre de vue que si l’on souhaite défendre ces valeurs dites écoresponsables dans notre activité, cela exige une gestion qui nous permette de continuer à travailler correctement dans cinq ou dix ans. » 

(Reportage réalisé avant la crise sanitaire)

Boulangerie Paume de Pain
13 rue Perrot - 69004 LYON

Boulangerie de la Tour
29 Avenue Jean Jaurès, 92140 Clamart

Par Hannah Benayoun

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