La crise alimentaire aiguë en est à sa 4e année consécutive de progression dans le monde : une situation qui concerne désormais 258 millions de personnes dans 58 pays.
Conséquences de la guerre en Ukraine et de la pandémie de covid-19, la flambée des prix alimentaires et les graves perturbations des marchés ont aggravé l’insécurité alimentaire en 2022, par rapport à 2021 : environ 258 millions de personnes dans 58 pays se trouvaient dans une situation de crise alimentaire aiguë ou « pire », contre 193 millions de personnes dans 53 pays et territoires en 2021, souligne, la septième édition du rapport mondial sur les crises alimentaires de l’ONU. Les conflits et l’insécurité (117 millions de personnes dans 19 pays et territoires), les phénomènes météorologiques extrêmes (56,8 millions de personnes dans 12 pays et territoires) constituent les principaux moteurs de cette catastrophe mondiale.
Chaque année, par ailleurs, 1 personne sur 10 dans le monde tombe malade – plus de 200 pathologies répertoriées tout de même – après avoir mangé de la nourriture contaminée par des bactéries, des virus, des parasites ou des substances chimiques telles que des métaux lourds.
Ce rapport, publié le 3 mai dernier, est « un réquisitoire cinglant sur l’échec de l’humanité à faire progresser l’objectif de développement durable d’éradiquer la faim et de parvenir à la sécurité alimentaire et à une meilleure nutrition pour tous », déplorait Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU dans son préambule.
Le plus grand danger, alerte le rapport, c’est quand tous ces facteurs s’additionnent, comme dans la Grande Corne de l’Afrique (Somalie, Éthiopie, Érythrée, Djibouti, Kenya et Soudan). La situation est également très préoccupante en Afghanistan, au Yémen, en Haïti, dans le Sahel, ou encore en République démocratique du Congo. Alors que près de 70 % des personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire vivent en zones rurales, le rapport préconise, en vue d’inverser la tendance, de fournir directement des aides financières aux agriculteurs afin de leur donner les moyens de produire.
Les dernières données mensuelles disponibles de la Banque mondiale pour la période comprise entre janvier et avril 2023 font état d’une forte inflation alimentaire générale, à deux chiffres pour certains pays. Les plus touchés se situent en Afrique, en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie du Sud, en Europe et en Asie centrale. 78,6 % de pays à revenu élevé connaissent une forte inflation des prix alimentaires.
Niña et Niño
L’édition de mai 2023 du rapport de suivi des marchés par le Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS) souligne qu’après trois années consécutives de présence du phénomène climatique La Niña, le monde se dirige vers un épisode El Niño, qui, en fonction de sa force, affectera surtout l’Asie centrale, le sud de l’Amérique du Nord, le sud-est de l’Amérique du Sud, le sud de l’Europe, l’est et le sud de l’Afrique orientale, ainsi que le sud et l’est de la Chine en termes de pluviométrie. D’une manière générale, El Niño agira sur la production agricole de plus de 25 % des terres cultivées dans le monde, provoquant ainsi une légère augmentation des récoltes moyennes mondiales de soja et une petite baisse des récoltes moyennes mondiales de maïs, de riz et de blé.
Les projections 2023 estiment à 153,4 millions le nombre de personnes frappées d'insécurité alimentaire aiguë, dont 310 000 personnes en situation de famine. Et c’est sans compter les chocs climatiques et économiques à venir. Face à ces prévisions inquiétantes, l’ONU appelle à un changement de paradigme. « Trop souvent, la communauté internationale attend une classification en famine avant de dégager un financement additionnel ». Il s'agit de lancer l’intervention humanitaire avant que la situation ne dégénère en famine et surtout d'anticiper et prévenir pour s’attaquer aux causes profondes des crises alimentaires. « Nous disposons des données et du savoir-faire nécessaires pour construire un monde plus résilient, plus inclusif et plus durable, où la faim n'a pas sa place – notamment grâce à des systèmes alimentaires plus solides et à des investissements massifs dans la sécurité alimentaire et l'amélioration de la nutrition pour tous, où qu'ils vivent », a conclu Antonio Guterres.
AV / © UNICEF/Vincent Treameau
Les phases de sécurité alimentaire (IPC)
et du Cadre Harmonisé (CH)
Phase 1 Aucune/Minimale
Les ménages ont une consommation alimentaire adéquate minimale et ne peuvent se permettre certaines dépenses non alimentaires essentielles sans adopter des stratégies d’adaptation au stress.
Phase 2 Sous pression
Les ménages ont une consommation alimentaire adéquate minimale et ne peuvent se permettre certaines dépenses non alimentaires essentielles sans adopter des stratégies d’adaptation au stress.
Phase 3 Crise
Les ménages ont des déficits alimentaires considérables avec une malnutrition aiguë élevée ou supérieure à la normale ou un épuisement accéléré des moyens d’existence ou recourent à des stratégies d’adaptation de crise.
Phase 4 Urgence
Les ménages ont des déficits alimentaires importants provoquant une malnutrition aiguë très élevée et une surmortalité excessive ; ils sont confrontés à une perte extrême des moyens d’existence ou ont recours à des stratégies d’adaptation d’urgence.
Phase 5 Catastrophe/Famine
Les ménages ont un extrême manque de nourriture et/ou ne peuvent satisfaire d’autres besoins de base. Ils font face a l’inanition, le décès, le dénuement et à des niveaux extrêmement critiques de malnutrition aiguë.