La Fleur au fusil, c’est fini pour Teo Barazer qui lance sa propre affaire, Bibi en plein cœur de Bordeaux.
Après six ans avec Marion Métinier à la très populaire et distinguée Fleur au Fusil, qu’elle continue de driver à Saint-Vivien-du-Médoc (Gironde), Teo Barazer tourne la page et a déniché un local dans la désormais très courue rue du Hâ, au cœur de Bordeaux, entre l’Hôtel de Ville et le Palais de Justice où se bousculent les (bonnes) adresses.
Au 62, le café/boutique/cave à vins. Au 64, le restaurant. Une porte battante relie ces deux espaces de… 17 m². « L’architecte Cécile Simian a fait un excellent travail pour tout optimiser », se félicite-t-il en préparant un café. Les menus sont écrits sur de grands miroirs, les vestiaires et les porte-manteaux sont accrochés et suspendus aux murs, et tout est amovible.
Le 62 comme le 64 seront ouverts de 10 heures à 22 heures, à l’instar « d’une izakaya au Japon », cinq jours sur sept (et pas les week-ends). Vie professionnelle, oui, mais aussi vie sociale et familiale. Il a eu l’idée autour d’un verre partagé avec d’autres chefs, qui n’ont rien de bon à manger à leur pause, sur les coups de 15, 16 heures.
« Du chaud de 10 à 22 heures »
Le pitch ? Le midi, de grosses marmites préparées la veille au soir, ou le matin. Un plat réconfortant qu’on mange sur place (quand ce sera possible) ou à emporter. Toute la journée, au bar, des fruits de mer (huîtres, bulots, bigorneaux) livrés par ses amis pêcheurs du Médoc qu’il côtoie depuis sept ans ; son propre jambon ; des sandwichs à l’œuf « comme au Japon », et des jolis verres de vin (et bouteilles à emporter) parmi 80 références, servis et conseillés par un chef sommelier de haut vol. « Il y a aura toujours quelque chose de chaud à manger entre 10 et 22 heures ». Toujours un café à siroter. Toujours un mot à partager, avec ou sans masque. Le soir, la petite salle de 18 couverts au numéro 64 proposera une cuisine gastronomique (un seul service, donc), dont Teo affine encore la formule. Une chose semble certaine : le menu ne sera pas imposé. « Je n’aime pas cela. Je trouve que le client est pris en otage ».
« Une cuisine de copains »
Il a souvent été dit que sa cuisine est une cuisine de fusion, lui qui a des origines vietnamiennes. « Je ne ferai pas des nems au foie gras. Je ferai de vrais nems. Et je ferai un bon foie gras », réfute-t-il dans un éclat de rire. « Une cuisine de grand-mère, une cuisine de copains », prolonge-t-il, les yeux qui pétillent. Tel son plat signature, un risotto à l’encre. « Jamais très farfelu. Mais bien fait avec des produits frais et sourcés ».
Il trimballe sa bonhomie dans sa cuisine, qu’il fait découvrir, spacieuse et très fonctionnelle après qu’il ait tout retapé. Il ouvre un kimchi qui frémit dans le frigo. Il vient de préparer des poulpes. Il brûle d’ouvrir « Bibi » – son surnom – qui sera aussi celui des autres, un peu.
Pop up et proximité
Car « Bibi » veut dire « toi », aussi : Teo Barazer envisage de donner les clés de son antre, le week-end, à des chefs pour des pop up. Il a passé lui-même une bonne partie de l’été dernier à le faire, au Flacon, et il s’est éclaté.
C’est que le coronavirus oblige à s’adapter, pour ne pas mourir. Il a peaufiné, pendant des mois ce qu’il allait proposer. À La Fleur au Fusil, lors du premier confinement, il a charbonné pendant six semaines, à envoyer des plats à emporter. Il a détesté l’expérience. « On passe beaucoup de temps à cuisiner. Si c’est pour prendre la boîte, la mettre dans son sac… » Et quand le plat est livré via une plateforme et un livreur peu considéré, la question du sens se pose avec encore plus d’acuité.
Il en parle, souvent, avec Vivien Durand, son ami. Ils sont d’accord : « Il faut revenir à des choses de proximité ». Nourrir une rue, comme en Inde, comme au Vietnam. Ou rue du Hâ.
Un été, ses bentos avaient fait florès. Il est installé dans un quartier où se bousculent les avocats, les banquiers, etc. Pourquoi ne pas leur faire des plateaux-repas, qu’il leur apportera lui-même et qu’ils ramèneront ensuite ? Pas de conditionnement. Pas de livraison. Tout Teo Barazer : de la bonne bouffe, de l’amitié, des sourires, du partage.
Quentin Guillon
Bibi,
62-64, rue du Hâ, 33 000 Bordeaux
09 53 01 93 72
© Quentin Guillon/lerituel_fr