On atterrit doucement du formidable voyage au pays du goût qui a duré 3 jours dans un Parc Floral gâté par la météo, des chefs heureux et enthousiastes et une affluence réconfortante du public.
Sur l’esplanade, avec vue sur le foodcourt, la scène Talks. Celle du sens. Raphaèle Marchal y recevait le matin du beau monde. « J’ai été émue par les scènes de Nadia Sammut et son histoire, Michel Bras et sa leçon de vie et de contemplation, Christophe Michalak et son ode à la résilience, même si c’est difficile de ne choisir que quelques exemples. Et bien sûr l’ambiance, la chaleur, les gens qui courent et qui pleurent, Omnivore quoi. » L’après-midi, Sylvie Berkowicz prenait le temps en trois tables rondes, de discuter avenir, changements et mutations de la restauration. Est-ce un hasard si les Pouzadoux, invités de la première table ronde pour parler réouverture en plein covid et Cyril Attrazic, dans la dernière, énonçaient le même propos alors qu’il nous racontait comment il entretient la flamme de ceux qui embrassent le métier chez lui en Aubrac. « Dans les moments sociologiques difficiles, la nourriture nous rassemble… À nous, restaurateurs, de leur garantir une meilleure qualité de vie. »
À gauche en entrant dans le hall, la scène Liquide. De tous les liquides, de l’eau au café, en passant par le vin, la bière et les spiritueux. Deux animateurs se répartissaient les réjouissances cette année, Zazie Tavitian et Alexandre Vingtier. « Aaron Diaz a fait halluciner tous les pros du bar, quel génie ! », nous dit Alexandre. Zazie, elle a apprécié son baptême. « Beaucoup d’amour pour les sessions matinales de dégustation collective de café, vin et bière avec trois femmes brillantes Mihaela Iordache, Crislaine Medina et Bianca Dizon, et avec en toile de fond cette envie de trouver un vocabulaire collectif, inclusif et accessible pour parler de ce que l’on déguste. Accord incroyable avec le cocktail sans alcool au thé et accord saint-marcellin par l’érudite et modeste sommelière Paz Levinson, moment fail lors de l’assemblage de pastis que nous devions faire en direct avorté dès les premières minutes pour cause de pipette qui s’est explosée au sol, toujours grande passion pour le mezcal lors d’une session où nous avons parlé notamment du rôle des industries pour préserver l’équilibre des communautés qui fabriquent des alcools qu’elles exportent. »
Tout droit, en entrant dans le hall, la scène Artisan, avec le soutien du Tour des Terroirs, tenue par Stéphane Méjanès. « Gros coup de cœur pour le sel fumé et au vin jaune (recette secrète) de Cédric Pennarun (Grand Cru de Batz), en collaboration avec les frères Dorner, pâtissiers jurassiens installés à Lyon, en topping d'un dessert chocolat/myrtilles. Ça dépote, avec cette exclu pour Omnivore et coup d'essai du X-lab (pour collab donc) de Cédric qui a déjà d'autres projets en cours pour des sels sur-mesure. Autre découverte inédite, la « harisère » de Romain Hubert et Hugo Bijaoui (Le Rousseau, Grenoble) avec les super légumes et piments des Jardins de Pompoko de Mélanie François. On peut ajouter les très bonnes nouilles aux drèches de Sabrina Michée (Ramen tes drêches) et le produit star de la scène, l'huile de caméline. »
Plus loin, la scène Origine, tenue par Transgourmet. « Peyo Lissarrague, on est d'accord ? Les aspirateurs à public ont été Ippei et Brigade du Tigre ? » « On est d’accord. Mention spéciale aussi à Iñigo Ruiz Rituerto qui a envoyé du lourd tous les jours : marmitako, ceviche de coques, cœurs de canard au Pedro Jimenez, arancini de paella. Le nom de son resto résume bien l’ambiance de la scène (Galerna: une tempête du golfe cantabrique qui vous prend par surprise et emporte tout sur son passage). »
Au fond, la Grande scène. De Mory Sacko le samedi à 10h30 à Mauro Colagreco le lundi à 17 heures, ce ne sont pas moins de trente chefs qui ont donné sur la Grande scène, à écouter, voir, goûter, inspirer. Boris Coridian, animateur animé retient « des papillons frais et la banane du Velvet Underground avec Rasmus Munk, de la moelle épinière de paiche (le plus gros poisson d'eau douce d'Amérique du Sud ou Arapaima gigas pour les intimes) et de l'argile avec Virgilio Martinez, le katsuobushi de bœuf ou de la selle d'agneau maturée dans du sake kasu (la lie du saké) avec Florent Pietravalle, une langoustine de l'espace enrobée dans une algue au jus d'agneau avec Alexandre Mazzia, des fritures de crabes bleus mous avec Chiara Pavan. » On retient aussi les passages des deux autres Créateurs : Florent Ladeyn et Alexandre Gauthier, tous deux venus annoncer des ouvertures. Et aussi l’émotion de la remise des prix Omnivore. À Nadia Sammut, tellement belle incarnation de ce qu’on entend/attend d’un Créateur, une Créatrice. À Michel Bras. À Florent Pietravalle. À Vivien Durand…
« Ce fut une magnifique édition, tendue d’une belle énergie du début à la fin, confirme Romain Raimbault, directeur du festival. Une programmation riche et ouverte, un public nombreux et curieux et des chefs ravis d’être sur scène, dans les allées du village ou attablés au foodcourt. Une célébration collective de la cuisine libre, vivante et engagée et des grandes figures qui la représentent, à l’instar d’un Michel Bras ou d’une Nadia Sammut. » Une vibration particulière. Fortement ressentie.
Audrey Vacher