Le quatre mains. À quoi ça sert vraiment ? Que coûte et qu’apporte donc ce hobby favori des chefs aux chefs ?
« Ah, ces quatre mains. » Julien Allano recevait au Clair de la Plume la semaine dernière Arnaud Faye, descendu, et c’est assez rare, de son rocher azuréen pour rendre visite à ce « pote de pote ».
Qui ne prend pas la notion d’invité à la légère, l’invitant pour 48 heures et l’emmenant avec lui courir à l’aube entre les lavandes, et récupérant scrupuleusement toutes ses factures. Et le mettant en lumière au fil d’un menu en six services bousculant ses habitudes de mettre le produit et le producteur au cœur.
Chez Christophe Hay, on avait vu Jacques Marcon passer en salle présenter son fin gras du Mézenc sur un lit de foin, ravi d’apporter un peu de son écosystème qu’il quitte lui aussi rarement. À l’automne dernier, c’est Ippei Uemura et Julien Diaz qui nous avaient fait le coup de l’umami ratatouille.
Le Graal
Conjuguer deux territoires, deux cuisines, le Graal du quatre mains. « Les plus intéressants, c’est quand même ceux où les mecs viennent passer deux jours, tu les balades et on fait tout ensemble ». En 2016, pour les dix ans de son Imaginaire, Romain Pouzadoux a eu l’idée un peu folle, « parce que, même s’il y a des vols low cost pour Brest, ça coûte des ronds que tu ne récupères pas forcément avec les additions », d’organiser dix dîners à quatre mains. « Avec des copains, des gars dont j’aimais bien la cuisine, pour certains seulement à travers ce que je voyais passer sur les réseaux sociaux ». Il y a eu de belles claques, quelques déceptions, une ou deux cuites, « parce qu’il faut bien l’avouer, pour un cuisinier c’est la récré ».
Leçon, c’est cadeau
C’est aussi « un cadeau qu’on fait à nos clients, parce que c’est l’occasion de découvrir la cuisine de quelqu’un chez qui ils n’auront peut-être jamais l’occasion d’aller », souligne Julien Allano, s’amusant d’un pigeon rôti, ragoût de maïs, jus à la cardamome noire, signé Arnaud Faye, miroir d’un de ses plats phare du moment (le pigeon de Monsieur Durand). Et se réjouissant surtout de la leçon reçue par son équipe, « parce que c’est aussi pour eux qu’on le fait ».
Dans le cadre des vingt ans de la maison, en septembre, il recevra Glenn Viel, et cet hiver c’est Jacques Marcon qui viendra mêler sa cueillette dans les sous-bois de Saint-Bonnet-le-Froid à la melano d’Allano. Des dates déjà presque complètes, qui disent l’appétit pour ces rencontres. Malgré un splendide 33°C relevé à Brest, Romain Pouzadoux bouillonne : « Il faut sérieusement que je m’y remette. »
Amélie Riberolle