Les nouvelles du Sud sont résolument bonnes, pandémie ou pas.
À ceux qui osent souligner l’audace d’ouvrir une adresse dans le contexte actuel, Harry Cummins et Valentin Raffali rétorquent de concert : « Il faut rester positif et aller de l’avant, sinon on fait quoi ? » À 25 ans, Valentin est gonflé à bloc : « Je refuse que cette crise affecte mon travail, au contraire, je suis reconnaissant d’avoir pu en tirer des enseignements et les bonnes habitudes qu’on va garder. L’adversité m’a donné encore plus la niaque. »
La bonne saison de l’été dernier leur permis de sauter le pas, encouragés par une cité phocéenne de plus en plus attractive, même si Harry concède dans sa langue maternelle en rigolant : « Je ne sais pas pourquoi on fait ça, on est peut-être stupides. »
Pas si fou, pour le chef de la Mercerie, cette ouverture était « un choix de vie » et il sait qu’il a parié sur le bon poulain. « Je voulais continuer à travailler avec Valentin après sa résidence au Chardon à Arles l’année dernière, qu’on évolue ensemble. Avec lui, j’ai quelqu’un comme moi en cuisine, un bras droit. Il est très talentueux, passionné et impliqué dans l’entreprise, c’est cool. » Loin de se laisser abattre, les deux compères se sont donc associés pour que Harry puisse rester en cuisine à la Mercerie et que Valentin prenne les commandes de Livingston.
C’est la culture du Midi, plein d’assiettes en petites portions où tu ne sais pas quoi choisir
et tu pioches avec les doigts, c’est gourmand. »
Pour ce dernier, c’est la naissance de son premier projet personnel, « Je suis comme un gamin de 5 ans ». Hors des cuisines depuis un an pour développer le concept, le résultat est à la hauteur de ses espérances : « Je rêvais d’avoir un lieu comme ça à Marseille, j’ouvre ce que j’attendais de ma ville depuis des années. » L’idée est ici de partager ce que les deux chefs aiment manger, dans un esprit convivial : « C’est la culture du Midi, plein d’assiettes en petites portions où tu ne sais pas quoi choisir et tu pioches avec les doigts, c’est gourmand. »
Avec cette collaboration, l’influence de la maison mère et du mentor de Valentin est évidemment présente, mais le jeune chef marseillais est bien « chez lui » dans la nouvelle adresse. À la carte, une nourriture où les « bons produits locaux » occupent une place centrale. « On épure les assiettes, du coup il y a eu un gros travail de sourcing pour avoir des ingrédients de qualité », raconte Valentin. « On est proches de tous les producteurs, on passe du temps avec eux dans les champs, c’est d’eux que vient l’inspiration », appuie Harry.
Anchois, câpres, vinaigre, cuissons au barbecue, les goûts sont fumés, braisés, grillés, les parfums puissants et les assaisonnements prononcés, « c’est totalement volontaire et assumé », lance Valentin. « Un peu naughty », ajoute Harry avec malice. Et pour ne pas plomber l’ambiance de copains, il y a une volonté de rendre cette table « la plus abordable possible » avec des portions entre 3 et 16 euros.
Une hirondelle ne fait peut-être pas le printemps, mais à Marseille le goéland de Livingston fera sans aucun doute notre été à l’heure de l’apéro.
Maryam Lévy
Livingston
5 rue Crudère, 13006 Marseille
© Luna Della