Même si les eaux de mars et d’avril attendues arrivent enfin, la France va tout droit vers une pire sècheresse que l’été dernier après un épisode hivernal qui n’a rien arrangé.
À Perpignan, qui affiche en février un indice hydrique de mois de juin, on en est à recourir à une tradition régionale qui remonte au IXe siècle en sortant des reliques de saint-Gaudéric pour aller invoquer la pluie en les emmenant en procession jusqu’à la Têt, fleuve des Pyrénées-Orientales en souffrance, comme tant d’autres. Parce que moins de 130 mm d’eau sont tombés ces six derniers mois à Perpignan. Bref, partout, on se remue les méninges pour trouver des parades à la sécheresse.
Constats
La sècheresse hivernale à laquelle le territoire entier fait face, alors que les réserves ne sont pas reconstituées après l’été 2022, met à mal la recharge en réserves hydriques des sols et fait craindre le pire aux autorités et aux scientifiques. Après 32 jours sans la moindre goutte, le mois de février s'est avéré le plus sec enregistré depuis le début de la prise de mesures en 1959. Depuis ces constats, seuls les arrêtés pleuvent. Ainsi, cette semaine, les Alpes-Maritimes ont été placées en alerte sécheresse, jusqu’au 30 avril au moins, ainsi que le Var.
Car la jauge des réserves en eau, qui se reconstituent en hiver, a parlé. Selon le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), dans son bulletin sur la situation au 1er mars, l’ensemble des nappes affichent des niveaux sous les normales et 80 % –contre 46% en 2022 – des niveaux sont modérément bas à très bas. Parmi les secteurs où la situation est la plus « préoccupante », le couloir Rhône-Saône, de la Bourgogne au Bas-Dauphiné, les nappes de la plaine du Roussillon ou le Limousin.
Conséquences
L’agriculture, qui utilise 5% des 35% d’eau dont le territoire entier a besoin mais pompe 45% d’eau pour produire, et la végétation, sont les premiers concernés par les conséquences de ces épisodes consécutifs et significatifs de sécheresse. De faibles rendements, voire des abandons de culture à l’image du cresson dans l’Oise, des écosystèmes déséquilibrés, des semis de printemps et des germinations compromis, des risques d’incendies… la panoplie de catastrophes qui pendent au nez de l’agriculture est vaste. Comment prévenir l’étendue des dégâts ?
Un plan, des pistes
La première solution, à très court terme, tient de la responsabilité individuelle : il s’agit de discipliner sa consommation d’eau avant les restrictions éventuelles par arrêté. Christophe Béchu, ministre de la Transition Écologique, doit bientôt présenter un grand plan de sobriété de l’eau, censé tirer les leçons de la canicule historique de l'été 2022, « très complet, il comporte une cinquantaine de mesures, il traite de la sobriété, de la quantité, de la qualité, des moyens financiers, de la gouvernance », a déclaré le ministre, sans détailler. Y aura-t-il un volet « eaux usées » ?
« Seules 77 des 33 000 stations de traitement des eaux usées en France sont équipées d’un système de traitement de recyclage complet », disait le ministre à France Info, en janvier. « Aujourd'hui, un particulier ne peut pas alimenter ses toilettes avec de l'eau de pluie, il faut de l'eau potable. On peut donc imaginer que la réglementation évolue sur ce point. » À plus long terme, l’imperméabilisation et la renaturation des sols, les mégabassines de récupération d’eaux pluviales, un changement profond de modèle agricole qui pense à des cultures moins soiffardes, à une irrigation économe (goutte à goutte, aspersion au sol, abandon par aérosol) sont des pistes qu'il faut continuer à creuser.
AV