Du son underground sur des vins libres, c’est la partition gagnante de « Punkovino », websérie documentaire en 10 épisodes de Tina Meyer et Yoann Le Gruiec, visible sur tous les réseaux d’Arte.
On a regardé avec Guillaume Dupré, punk à quilles assumé de Goguette.
« Ça manque de Joy Division, de Surfaris ou de Wanda Jackson… », plaisante Guillaume Dupré, qui se définit ainsi : « Un punk qui offre de l’ivresse en flacons ». Son chef chez Goguette, Gianmarco Gorni, écouterait volontiers du Mac de Marco, lui, pour siroter un vin nature, mais on va écouter et regarder les accords choisis par Tina Meyer pour composer sa websérie documentaire Punkovino. C’est avec une Échappée belle d’Édouard Laffitte que Guillaume choisit d’accompagner l’exercice.
Wine is not dead
« J’ai essayé de créer une correspondance entre les musiques que j’aime écouter en buvant de bons vins. Il y a un côté très punk chez ces vignerons naturels et une vraie parenté avec la scène des années 1970. Ils mettent un bon coup de pied dans la fourmilière de la filière viticole conventionnelle », expliquait récemment Tina Meyer à Télérama.
10 vigneron.ne.s, 10 musiciens de la scène indé. C’est le casting de Punkovino : un tour d’Europe à la rencontre de 10 « dissidents » de la production viticole, de la Géorgie, patrie des kvevris, à la France en passant par les Baléares, l’Allemagne, la Belgique et la Sicile, rejetant intrants chimiques, production intensive et appellations rigides pour n’en faire qu’à leur tête : du jus de raisin pur et propre. Mais comme des punks, bien sales, pieds et torse nus, énergiques, insolemment vivants. Et sincères.
La trame des épisodes est assez immuable : montrer le vigneron dans son environnement (images aériennes des vignes, GoPro entre les rangs, dans les chais, visite chez des copains), le faire, voire le laisser parler, et apporter son flacon aux musiciens.En 7 minutes top chrono.
« Vinesthésie »
Pour aborder ces cuvées affranchies (Ni Dieu, ni maître, ni sulfites d’Alban Michel, Bullette dans la tête – coucou John Woo – de Vincent Marie à Volvic, Bat Nat des Allemands de 2Naturkinder…), chaque épisode se termine sur une pastille, « Vinesthésie », qui remue les sens, comme la synesthésie les perturbent. De l’electroclasheur Rebotini à l’envoûtant Chassol en passant par Forever Pavot ou encore Volage (« Je vois un truc planant… la caisse claire c’est pour les 14 degrés…», disent les Belges artisans de garage pop, en goûtant le Nada du « pificulteur » Raphaël Baissas de Chastenet, aka Raf, comme Rien à foutre), les musiciens goûtent et expriment en impro totale ces vins rebelles. À signaler la musique originale de la série également, signée Usé et Tito de Pinho.
Envoyer la sauce
On vous aurait volontiers parlé du discours sain de Ketevan Berishvili, l’un des deux vigneronnes de la série, et de la force des femmes dans la viticulture géorgienne (épisode 6), mais de tous les épisodes regardés, c’est celui consacré à Brendan Tracey (n°7) qui a ému Guillaume. Après tout, il aime ce vigneron born in the USA et totalement fondu en Loire. C’est qu’en sus de produire des vins bons, l’ex-chanteur du groupe punk les Insults a fait claquer quelques décibels tout aussi libres au sous-sol du Coinstot Vino où officiait Guillaume avant Goguette. Après tout, il adore Cyril Atef qui interprète la cuvée Pour une poignée de bouteilles de Brendan, et écoute beaucoup le percussionniste, au service de M, Bumcello ou encore Congo Punk. « Ce sont des mélanges qu’on retrouve dans le vin, on sursaute quand ça part, c’est atmosphérique, ça bouge tout le temps… », s’emballe Guillaume.
« Ce qui compte, c’est l’énergie. C’est pas tellement de savoir chanter ou de jouer de la guitare, c’est juste d’envoyer la sauce », philosophe Tracey en ligne, en faisant le parallèle entre punk et démarche nature. Comme Tina Meyer en somme.
Audrey Vacher
Goguette, cuisine et vins libres
108 rue Amelot, 75011 Paris