On essaie de se remettre de la nouvelle tombée lundi soir – #11mai etc. – et on n’oublie pas nos chers brasseurs, qui subissent les effets du coronavirus.
Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blancs ou noir. Touché lui aussi non pas par la peste mais par le confinement, le secteur brassicole voit les lignes de démarcation entre grands groupes et tenants de la craft se dessiner avec une acuité particulière en ces temps d’épidémie. Brasser en quarantaine n’est a priori pas un problème, mais vendre ses brassins est une autre histoire. Alors que les mastodontes du houblon peuvent continuer à s’appuyer sur la grande distribution, les indépendants, liés le plus souvent à des cavistes ou à des bars spécialisés, doivent réduire leur production et inventer d’autres moyens d’épancher la soif de leurs fans.
En France, -35% en 1 mois
Selon Brasseurs de France, le secteur brassicole français dans son entier a vu ses ventes baisser de 35% depuis le début du confinement. Afin de ramener les clients dans le droit chemin de la craft beer, le Syndicat National des Brasseurs Indépendants (SNBI) a créé le site solidarité-brasseurs, sur lequel on retrouve notamment une carte interactive recensant quelque 500 brasseries indépendantes de France métropolitaine. Le but : permettre de trouver les points de ventes ou les réseaux de distribution ad hoc et de s’abreuver local. De leur côté, les géants de la bière se mobilisent surtout pour venir en aide aux cafés. ABInBev a lancé Bar Solidaire – un système de bons d’achat via lequel le leader mondial verse lui aussi un euro pour chaque euro dépensé par les clients – et a fait un trait sur les loyers de ses franchisés. Une initiative reprise notamment par le groupe Bavaria et par sa filiale Palm.
Survival kits par BBP
À Bruxelles, où la bière est une affaire d’état, les brasseurs indépendants se sont rapidement lancés dans les mesures d’urgence. Brussels Beer Project, qui met aussi en ligne les recettes de quelques-uns de ses brassins les plus populaires à destination des home brewers en herbe, livre ses « survival kits » à vélo dans toute la capitale. Bicyclette également pour la Brasserie de la Senne, La Source, l’Ermitage ou En Stoemelings. Ces derniers font don à l’hôpital Saint Pierre de 5 € par caisse de bière vendue et de 30 € pour l’achat de trois caisses. Chez Cantillon, Jean van Roy reverse 10% du produit de ses ventes à l’hôpital Erasme (les effets thérapeutiques de la gueuze n’étant plus à démontrer).
Yves à vélo
Et pendant ce temps-là, Yves Lebœuf, prix Omnivore 2018, fait du vélo. Le plus mélomane des brasseurs craft, fondateur de Senses Brewing à Reims, s’est transformé en voyageur immobile. Sur son vélo d’appartement, il pédale virtuellement de brasserie en brasserie, dégustant les bières « locales » à chaque étape. Orval, Chouffe (où il a commencé sa carrière), Bruxelles (où il a largement contribué à l’âge d’or de Brussel Beer Project)… aux dernières nouvelles il était en route pour Lille où il ira sûrement faire un tour du côté des fous du Singe Savant et de Bierbuik. Le houblon et ses bienfaits antiseptiques n’ont pas de frontières.
Peyo Lissarrague